L'Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, vote dimanche pour des élections législatives et régionales dont la seule inconnue est l'ampleur de la victoire de la coalition au pouvoir depuis 1991, et qui devraient reconduire le premier ministre Hailemariam Desalegn.

Le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF) domine sans partage depuis un quart de siècle le pays et ses 94 millions d'habitants, malgré les appels de la communauté internationale à davantage d'ouverture politique.

Ces élections, pour lesquelles 36,8 millions d'Éthiopiens enregistrés sont appelés à choisir les 547 députés de la Chambre des Représentants du Peuple et les membres des assemblées régionales, sont les premières depuis la mort de l'homme fort du pays Meles Zenawi.

Décédé de maladie en 2012 après plus de 20 ans au pouvoir, Meles avait été crédité de la reconstruction économique du pays après les années noires de la famine - l'Éthiopie a affiché une croissance économique de plus de 10% par an sur les cinq dernières années, selon la Banque mondiale.

Son successeur, Hailemariam Desalegn, inconnu du grand public, mais adoubé par Meles lui-même, a poursuivi sa politique de grands travaux et promis de donner davantage d'espace à l'opposition.

Malgré ces promesses, les partis d'opposition accusent l'EPRDF d'user de tactiques autoritaires pour museler la campagne électorale et conserver sa position dominante. Les organisations internationales dénoncent régulièrement des atteintes à la liberté d'expression, des arrestations arbitraires et des tentatives pour étouffer toute forme de pluralisme.

Samedi, Amnesty a ainsi une nouvelle fois condamné «une charge généralisée contre la liberté d'expression, d'association et d'assemblée» ces derniers mois, avec un gouvernement qui «fait la chasse à toute forme de légitime dissidence».

Les candidats des 58 partis en lice pour ces élections ont dû passer par un système de tirage au sort, organisé par la Commission électorale (NEBE) pour limiter à 12 le nombre de candidats par circonscription.

Les analystes estiment que ce système a servi à éliminer les candidats les plus gênants. Le parti Semayawi comptait par exemple présenter 456 candidats, mais seuls 139 ont été autorisés.

Pas d'observateurs occidentaux

La Commission électorale déploiera dimanche quelque 40 000 observateurs dans les 45 795 bureaux de vote. Les observateurs internationaux de l'Union européenne et du Centre Carter, présents en 2005 et 2010, n'ont pas été invités. Seule l'Union africaine déploiera 59 observateurs et remettra un rapport le 26 mai.

Samedi, veille du scrutin, Addis Abeba était particulièrement paisible, alors que la campagne électorale a peu mobilisé une population convaincue que l'élection est jouée d'avance. Le seul signe visible de la campagne était l'omniprésence des affiches de l'EPRDF sur les murs de la ville, qui contraste avec les modestes affiches de l'opposition collées çà et là.

Les bureaux de vote ouvriront à 06h00 et fermeront à 18h00. Les premiers résultats préliminaires sont attendus entre deux et cinq jours après le vote. Les résultats définitifs seront publiés le 22 juin.

Plusieurs ambassades étrangères ont recommandé à leurs ressortissants d'éviter de se trouver à proximité des bureaux, par peur d'une répétition des violences qui avaient émaillé les élections de 2005.

L'opposition avait alors remporté 172 des 547 sièges du parlement, au terme d'une campagne électorale considérée comme la plus libre de l'histoire du pays. Des violences postélectorales qui avaient fait au moins 200 morts avaient conduit à une reprise en main du pouvoir et au vote d'une loi antiterroriste, depuis lors régulièrement invoquée pour réduire les critiques au silence.

Lors des élections suivantes, en 2010, l'EPRDF et ses alliés avaient remporté 99,6% des 547 sièges dans le parlement. Le seul député d'opposition, Girma Seifu, du parti Unité pour la démocratie et la justice (UDJ), a choisi cette fois de ne pas se représenter. Le scrutin a par ailleurs été reporté à «une date indéterminée» à Boda (sud), dans l'unique circonscription détenue par un député indépendant.

L'Éthiopie, pôle de stabilité régional, est considérée par les Occidentaux, États-Unis en tête, comme un allié clé dans la lutte contre l'extrémisme islamiste dans la Corne de l'Afrique. Addis Abeba entretient un contingent de plus de 4000 soldats au sein de la force militaire de l'Union africaine en Somalie, l'Amisom.