Lors d'une visite historique à Mogadiscio, le secrétaire d'État américain John Kerry a salué mardi les «progrès» réalisés par la Somalie, plus de 20 ans après la débâcle militaire des États-Unis dans ce pays de la Corne de l'Afrique toujours en guerre.

Ce voyage marque le retour diplomatique de Washington en Somalie. Plongée dans le chaos depuis 1991, elle est aux prises depuis 2007 avec l'insurrection des islamistes somaliens shebab affiliés à Al-Qaïda, qu'une force régionale africaine combat avec l'appui militaire des Américains.

«Il y a plus de 20 ans, les États-Unis ont été contraints de se retirer de votre pays. Nous y retournons maintenant en collaboration avec la communauté internationale, porteurs de forts espoirs mais aussi évidemment d'inquiétudes», a lancé M. Kerry dans une déclaration à la presse à l'aéroport de Mogadiscio.

Impliqués militairement dans ce pays contre les shebab, les États-Unis restent traumatisés par l'échec de leur intervention militaire et humanitaire sous pavillon de l'ONU au début des années 1990.

Une humiliation symbolisée par le sinistre «Black Hawk Down» du 3 octobre 1993, la bataille de Mogadiscio au cours de laquelle des hélicoptères américains furent abattus et 18 soldats tués par des miliciens qui avaient traîné leurs cadavres dans les rues. Les Gi's avaient débarqué en décembre 1992 pour venir en aide aux Somaliens, en proie à la famine et à la guerre civile.

Deux décennies après cette défaite américaine, «je suis ici aujourd'hui parce que la Somalie fait des progrès dans sa mission afin que les choses aillent mieux», a lancé le secrétaire d'État.

Il a effectué une visite de trois heures et demie, tenue secrète jusqu'au dernier moment et qui s'est déroulée sous très haute sécurité. John Kerry est resté à l'aéroport, où il s'est entretenu avec le président Hassan Cheikh Mohamoud et son premier ministre Omar Abdirashid Ali Sharmake.

«Je suis heureux d'être ici. Avez-vous attendu longtemps? J'espère que non», a déclaré M. Kerry au chef de l'État somalien. «Cela valait la peine d'attendre», lui a répondu son hôte car «c'est un grand moment pour nous».

De fait, «c'est un moment très important pour la Somalie. De grands progrès ont été réalisés», a insisté John Kerry, qui a vu aussi des responsables régionaux et de la société civile.

Fragile gouvernement

Au plan politique, le ministre américain a plaidé pour le bon déroulement d'élections législatives en 2016 dans ce pays privé de réelle autorité centrale depuis la chute du président Siad Barré en 1991.

«Trois années ont passé depuis l'adoption d'une Constitution provisoire et l'intronisation d'un Parlement. Avec l'aide de l'Amisom (la force armée de l'Union africaine), les forces somaliennes ont repoussé les shebab hors des centres où sont concentrées les populations», s'est-il félicité.

«Aux côtés de nombreux autres partenaires internationaux, les États-Unis sont disposés à faire ce qu'ils peuvent pour aider la Somalie à jouir de la sécurité, de la prospérité et de la paix que vous méritez», a conclu M. Kerry, rentré ensuite au Kenya voisin.

Aucun secrétaire d'État n'était jamais allé dans ce pays de la Corne de l'Afrique.

Les États-Unis et la Somalie ont rétabli leurs relations diplomatiques en 2012, et le président Barack Obama a nommé en février un ambassadeur pour la Somalie, une première depuis un quart de siècle. Mais Washington ne rouvrira pas à moyen terme une chancellerie à Mogadiscio et l'ambassadrice Katherine Dhanani pilotera la chancellerie pour la Somalie depuis l'ambassade américaine de Nairobi.

Reste que l'actuel gouvernement somalien ne tient debout que grâce au soutien militaire et financier de la communauté internationale.

Il est incapable d'étendre son autorité au-delà de la capitale et de sa périphérie malgré le recul militaire des shebab, souvent remplacés sur le terrain par des chefs de guerre.

Les insurgés multiplient encore les attaques et les actions de guérilla en Somalie et au Kenya, meurtri il y a un mois par le massacre de l'université de Garissa (148 morts).

John Kerry a remercié à Mogadiscio les cinq pays africains de l'Amisom (Kenya, Ouganda, Burundi, Djibouti et Ethiopie) qui épaulent un embryon d'armée somalienne. Les États-Unis ont consacré depuis 2007 «plus d'un demi-milliard de dollars» à la Force de l'Union africaine, d'après la Maison-Blanche.

Les Américains ont en outre mené ces dernières années des opérations militaires en Somalie - attaques de drones notamment - contre les shebab, tuant en septembre leur chef Ahmed Abdi «Godane».

«Nous continuerons à nous impliquer avec la Somalie jusqu'à mettre un terme à la terreur propagée par les shebab», a promis un responsable du département d'État.