Tchad, Niger, Nigeria, Cameroun et Bénin se sont mis d'accord samedi pour mobiliser 8700 hommes dans la force multinationale de lutte contre le groupe islamiste nigérian Boko Haram, alors que le Tchad a déjà lancé ses troupes dans la bataille à l'extérieur de ses frontières.

«Les représentants du Bénin, du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad ont fait des annonces de contributions qui ont totalisé 8.700 personnels militaires, de police et civils», selon le communiqué final de la réunion d'experts qui se tenait à Yaoundé.

Le chiffre annoncé avant la réunion était de 7500 hommes. À l'issue de la réunion, ni la contribution par pays ni le décompte militaire/civils/policiers n'ont été communiqués.

Il faudra attendre pour voir la force entrer en action: selon les experts, «un groupe restreint» travaillera «dans les jours qui viennent» sur les «détails» de l'apport de chaque Etat et «élaborera le budget initial de la Force».

«Le concept d'opération de la Force» sera ensuite transmis au Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine «pour approbation et transmission au Conseil de sécurité des Nations Unies», précise le texte.

Les experts ont également élaboré les documents définissant les contours de la force africaine et ses missions qui sont notamment de «créer un environnement sûr et sécurisé dans les régions affectées par les activités de Boko Haram et d'autres groupes terroristes».

Quartier général confirmé à N'Djamena 

Ils ont entériné la décision prise le 20 janvier par les ministres des pays de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) d'installer le quartier général de cette force à N'Djamena, qui s'est montrée très volontaire sur le dossier.

Ils ont aussi proposé «l'établissement d'un commandement central militaire et d'un mécanisme conjoint de coordination sous l'autorité desquels opéreront les troupes (constituées) par les États membres de la CBLT et le Bénin».

Le Niger, dont le parlement doit voter lundi l'envoi de troupes au Nigeria pour combattre Boko Haram, et le Tchad avaient déjà positionné dans le cadre de la force multinationale il y a quelques mois des troupes au nord du Nigeria dans la ville stratégique de Baga, située sur le lac Tchad, mais ils les avaient ensuite retirées en raison de différends avec le Nigeria dont l'armée s'est montrée inefficace dans la lutte contre Boko Haram.

Le 3 janvier, Boko Haram avait pris la ville lors d'une attaque jugée comme la «plus grande et la plus destructrice» depuis le début de l'insurrection en 2009. Lors de cette offensive qui a fait «des centaines» de morts, les islamistes avaient commis des exactions qualifiées de «crimes contre l'humanité» par les États-Unis et la France, qui apporte du renseignement aux forces africaines sur le terrain.

Le Tchad a déjà engagé ses troupes sur deux fronts, aux frontières camerounaise et nigérienne. Ces militaires tchadiens déjà déployés, dont le nombre total n'est pas connu, seront inclus dans les 8700 membres de la force multinationale.

À la frontière entre le Cameroun et le Nigeria, le Tchad a déployé un contingent d'environ 2500 hommes. Partant de Fotokol, ville camerounaise sur la frontière, l'armée tchadienne a repris au terme de combats meurtriers (200 islamistes et 9 Tchadiens tués) la ville nigériane de Gamboru aux mains des islamistes depuis des mois. Le lendemain, Boko Haram avait lancé une contre-attaque sanglante (81 civils, 19 soldats tchadiens et camerounais tués) sur Fotokol, repoussée par les Camerounais et Tchadiens.

Le Tchad a également massé des troupes avec plus de 400 véhicules à la frontière Niger-Nigeria aux côtés des forces nigériennes. Ces troupes ont essuyé vendredi une attaque de Boko Haram venue du Nigeria: 109 islamistes, quatre militaires nigériens et un civil ont été tués, selon Niamey. Le calme était revenu vendredi soir, mais les bilans de deux attaques pourraient être plus lourds que les chiffres officiels.

Par ailleurs, militaires tchadiens et nigérians ont eu une réunion bilatérale sur le sujet vendredi à Abuja. Le Nigeria a estimé la semaine dernière que son intégrité territoriale n'était pas compromise alors que le président Goodluck Jonathan vise un nouveau mandat lors des élections du 14 février dans un pays miné par les attentats et les attaques du groupe.

L'insurrection de Boko Haram, qui affiche sa proximité idéologique avec Al-Qaïda et l'organisation Etat islamique, et sa répression ont fait plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria depuis 2009.

Samedi, quelque 1500 personnes ont défilé à Douala, capitale économique au sud du Cameroun, pour soutenir les troupes engagées dans le nord du pays.