Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a soutenu samedi l'idée d'une force régionale de l'Union africaine pour lutter contre Boko Haram, le jour même où l'aviation tchadienne lançait une offensive contre le groupe islamiste dans la ville nigériane de Gamboru, à la frontière camerounaise.

«Je salue la décision de l'UA et des pays de la région d'établir une force multinationale contre Boko Haram», a-t-il déclaré devant la presse en marge d'un sommet de l'organisation panafricaine à Addis Abeba.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA a appelé à la création d'une force militaire régionale de 7500 hommes pour contrer le groupe islamiste nigérian.

Dénonçant «la brutalité sans nom» des miliciens de Boko Haram, M. Ban a estimé qu'il fallait une «coopération régionale et internationale» pour lutter contre le groupe.

Interrogé par l'AFP, le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous, a de son côté proposé de «prêter à l'UA le concours de quelques spécialistes de l'ONU, planificateurs militaires, logisticiens».

Un responsable de l'UA a précisé qu'une réunion d'experts militaires africains aurait lieu du 5 au 7 février à Yaoundé pour discuter des modalités de cette force. Certains observateurs soulignent que le projet est encore vague, ni la composition de la force, ni son mandat - aura-t-elle par exemple un droit de poursuite sur le territoire nigérian ? - n'ayant encore été précisés.

L'UA demandera ensuite une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU permettant le déploiement de la force, a précisé Smaïl Chergui, commissaire à la Paix et la Sécurité de l'organisation. L'UA envisage aussi de demander à l'ONU la création d'un fonds pour la financer.

«Les Africains sont prêts à envoyer leurs troupes, à faire l'effort nécessaire, mais il est aussi moralement important que l'ONU et la communauté internationale soient aux côtés des Africains pour ce combat qui n'est pas propre à l'Afrique», a estimé M. Chergui.

Boko Haram avance 

Vendredi, en ouverture d'un sommet de l'UA largement consacré au sujet, la présidente de la Commission de l'UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, avait déjà appelé à une «réponse collective» contre Boko Haram, qui menace désormais «la région au-delà du Nigeria».

Boko Haram ne cesse d'avancer au Nigeria - il s'est emparé de territoires entiers du nord-est du pays - et mène désormais des incursions au Cameroun.

Samedi, l'aviation tchadienne a bombardé la ville nigériane de Gamboru, située à la frontière camerounaise et tenue depuis plusieurs mois par Boko Haram. Selon des sources sécuritaires, ces bombardements aériens devraient être suivis d'une offensive terrestre.

Gamboru est séparée par un pont d'à peine 500 mètres de la ville camerounaise de Fotokol où des combats ont opposé vendredi islamistes nigérians et soldats tchadiens. L'armée tchadienne a fait état de trois morts dans ses rangs, et affirmé que 123 islamistes avaient également été tués.

Nigeria, Cameroun, Niger, Tchad et Bénin avaient déjà convenu fin 2014 d'établir une force de 3.000 hommes pour lutter contre Boko Haram. Mais en raison de dissensions entre Abuja et ses voisins, cette force n'est toujours pas opérationnelle.

L'insurrection et sa répression par l'armée nigériane ont fait plus de 13 000 morts depuis 2009.

Vendredi les dirigeants africains avaient ouvert leur sommet en désignant le très controversé président zimbabwéen Robert Mugabe nouveau président en exercice de l'UA.

M. Mugabe, âgé de près de 91 ans, est au pouvoir depuis l'indépendance de son pays en 1980. Sa nomination pour un an à la tête de l'organisation est perçue par les observateurs comme un signal extrêmement négatif.

S'exprimant devant la presse en clôture du sommet samedi, le président zimbabwéen, paria des Américains et Européens qui lui ont imposé des sanctions en 2002, s'est dit indifférent à ces critiques, estimant que ce que «l'Occident dira ou fera ne (le) concerne pas».

Le sommet aura aussi été l'occasion pour le président kényan Uhuru Kenyatta de livrer une nouvelle charge contre la Cour pénale internationale (CPI), accusée de monter des dossiers «faibles et politiques».

M. Kenyatta était inculpé devant la CPI de crimes contre l'humanité pour son rôle présumé dans les violences post-électorales de fin 2007 et début 2008 au Kenya jusqu'à ce que l'accusation abandonne ses poursuites en décembre faute de preuves.

Vendredi et samedi, les dirigeants africains ont aussi passé en revue une série d'autres conflits qui ravagent le continent: Somalie, Mali, Libye, Soudan du Sud et République démocratique du Congo (RDC).

La réunion prévue samedi en marge du sommet sous l'égide de l'organisation intergouvernementale est-africaine Igad pour tenter une énième fois d'arracher un accord de paix dans le conflit sud-soudanais a elle été reportée à dimanche.

Le président Salva Kiir et l'ancien vice-président Riek Machar, dont la rivalité nourrit un conflit qui a fait des dizaines de milliers de morts en 13 mois, ne parviennent pas à s'entendre sur l'accord de partage de pouvoir qui leur est proposé.