Les forces internationales ont arrêté samedi à Bangui une dizaine de membres de la milice majoritairement chrétienne anti-Balaka, accusée de crimes atroces contre la minorité musulmane, sans toutefois réussir à arrêter les principaux responsables du groupe armé.

Les responsables militaires de l'opération française Sangaris et de la force de l'Union africaine (Misca) avaient durci le ton ces derniers jours, prévenant qu'ils feraient usage de la force. La Centrafrique a sombré dans le chaos depuis le coup d'État en mars 2013 de Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka, à dominante musulmane, contraint à la démission le 10 janvier.

Face aux rebelles de la Séléka, des milices locales d'autodéfense, issues des régions rurales à dominante chrétienne, se sont peu à peu formées: les anti-balaka, littéralement «anti-machette», qui ont à leur tour semé la terreur dans Bangui et en province.

Après le départ du président Djotodia, et le désarmement et le cantonnement des éléments de la Séléka menés par les soldats de Sangaris, les anti-balaka s'en sont pris systématiquement aux civils musulmans, multipliant lynchages et pillages, conduisant ONG et ONU à dénoncer un nettoyage ethnique.

L'opération menée samedi a débuté peu avant 6 h sur un large périmètre du quartier Boy Rabe, fief banguissois des milices anti-balaka.

Environ 250 soldats ont participé à cette opération sur un large périmètre du quartier Boy Rabe, fief banguissois des milices anti-balaka, au cours de laquelle ils ont fouillé les maisons, à la recherche d'armes et de plusieurs personnalités dont le procureur de Bangui a réclamé l'arrestation.

«J'étais sorti»

Toutefois, l'un de ses «objectifs» - l'arrestation de Patrice Edouard Ngaissona, qui se présente comme le «coordonnateur politique» des anti-balaka, n'a pas été atteint.

«Ils n'ont pas réussi à me prendre, j'étais sorti. Il faut qu'on me dise pourquoi on me cherche», a affirmé à l'AFP M. Ngaissona, joint par téléphone.

Quinze minutes après l'encerclement de sa maison par les forces africaines, des explosions de grenades et des tirs ont été entendus. Selon une source militaire, «face à l'agression des occupants de la maison, des éléments de la Misca ont tiré en l'air».

Interrogé par l'AFP, le procureur a regretté que M. Ngaissona ait pu échapper à une interpellation. «C'était le gros poisson qu'il fallait prendre», a-t-il dit.

En début d'après-midi les ministres centrafricains de la Défense, de la Sécurité et de la Justice se sont rendus avec le procureur de la République Ghislain Grésenguet au camp militaire de la Misca où les personnes interpellées, «une bonne dizaine» entre vendredi soir et samedi selon le procureur, ont été amenées.

Parmi les personnes interpellées figure le lieutenant Hervé Ganazoui, «en charge des opérations à l'+état-major+ anti-balaka», a déclaré à l'AFP Emotion Brice Namsi, qui se présente comme un porte-parole des miliciens.

L'opération, durant laquelle l'armement saisi samedi comprenait des fusils d'assaut, armes automatiques artisanales, grenades et munitions diverses, s'est achevée aux alentours de 10 h. Samedi, le mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) de l'ancien Premier ministre Martin Ziguélé a de nouveau accusé dans un communiqué l'ex-président François Bozizé de «soutenir financièrement et matériellement» la milice.

«Cassez-vous ou on va s'occuper de vous»

Les véhicules des Sangaris et de l'Union africaine sont repartis sous les huées des habitants qui regrettent le départ des milices et scandaient notamment: «Cassez-vous ou on va s'occuper de vous!».

La présidente centrafricaine Catherine Samba Panza a menacé mercredi de faire «la guerre» aux milices. Elle faisait écho aux déclarations menaçantes du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian et des commandants des contingents français et africain en Centrafrique, qui visaient directement les miliciens et les pillards sévissant en toute impunité.

Face aux difficultés rencontrées par Sangaris et la Misca pour sécuriser le pays et désarmer les populations, la France a annoncé vendredi l'envoi de 400 militaires supplémentaires, portant le dispositif Sangaris à 2000 hommes.

M. Le Drian a justifié samedi cette décision en estimant que le degré de violence rendrait l'opération plus longue que prévu. «Je crois que ça sera plus long que prévu, parce que le niveau de haine et de violence est plus important que celui qu'on imaginait», a-t-il dit.

De son côté, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, en visite à l'ONU à New York, a annoncé que l'UE «envisageait de doubler» l'effectif d'Eufor-RCA, de 500 à 1000 hommes. Cette force «sera sur le terrain très, très vite», a-t-elle assuré. Selon des diplomates européens, il est prévu qu'elle se déploie à Bangui à partir de mars.

La France avait déployé début décembre 1600 hommes en RCA. Cet effectif limité, qui agit officiellement  en soutien des 6000 hommes de la Misca, n'a pas permis de faire cesser les violences.