Une action militaire dans le nord du Mali, contrôlé par des groupes islamistes armés, sera peut-être nécessaire, mais sûrement pas suffisante pour rétablir la sécurité dans le pays et la «poudrière» du Sahel, estiment des experts.

La situation dans la «région sahélo-saharienne» a été débattue samedi au dernier jour du Forum MEDays à Tanger (nord du Maroc) au moment où une intervention africaine se prépare au Mali, dans l'attente d'un feu vert de l'ONU.

L'appel le plus pressant à cette action militaire a été lancé par le maire de Gao, Sadou Diallo, réfugié à Bamako, qui a critiqué l'ouverture des négociations au Burkina Faso avec Ansar Dine, l'un des groupes islamistes, et la rébellion touareg MNLA.

«La Cédéao (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) doit intervenir sans chercher à négocier», a-t-il déclaré à l'AFP. «Au Nord, ça n'est pas une rébellion, c'est du terrorisme (...). Notre population vit un calvaire, des viols, des flagellations», a-t-il fustigé.

Tous les intervenants ont aussi convenu de la nécessité de placer les islamistes armés sous la menace concrète d'une action militaire.

«Il faut prendre acte (...) de la gravité de la situation: nous faisons face à 202 000 réfugiés, 204 000 déplacés internes, 16 otages, quatre groupes armés différents», a souligné l'ex-chef de la diplomatie mauritanienne, Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou, membre d'un institut spécialisé basé à Genève.

«Il est nécessaire de recourir à la force pour déloger les groupes armés (...) et anéantir la menace qu'ils pourraient constituer pour le reste» de la région, a renchéri l'ancien ambassadeur du Mali à l'ONU et ex-ministre des Affaires étrangères, Moctar Ouane.

«Mais soyons pédagogues, l'intervention ne résoudra pas le problème dans son intégralité», a-t-il ajouté, évoquant «une réalité complexe». Le Mali n'offre qu'un «instantané de la crise sahélo-saharienne», a-t-il relevé.

«Contamination»

Pour Mohammed Benhammou, président du Centre marocain d'études stratégiques (Cmes), l'action militaire ne pourra même «pas résoudre» le seul cas malien: «Nous sommes face à un type de guerre asymétrique. Face à des problèmes complexes, on met en place des réponses simples pour ne pas dire simplistes».

L'action militaire, «légitime», ne doit «pas être l'arbre qui cache la forêt», a plaidé cheikh Sidi Diarra, ex-représentant du Mali aux Nations unies, appelant surtout à un «sursaut national» du peuple malien.

L'ancien juge antiterroriste français, Jean-Louis Bruguière, a lui insisté sur une menace terroriste qui «s'est extrêmement atomisée» et a «proliféré» à la faveur «des rançons de prises d'otage» et d'une «implication de plus en plus forte» dans les trafics de drogue et d'êtres humains.

Avec «la chute du régime libyen et la prolifération des armes», tout cela «a permis un renforcement stratégique d'Al-Qaïda au Maghreb islamique» (Aqmi), selon M. Bruguière, devenu Haut représentant de l'UE auprès des États-Unis pour la lutte contre le financement du terrorisme.

«On est devant un phénomène extrêmement sérieux», avec des risques de «contamination» de la corne de l'Afrique à l'est, au Sahara occidental à l'ouest, en passant par le Nigeria, a conclu M. Bruguière.

Une démarche collective est par conséquent une «ardente obligation», ont fait valoir les intervenants.

Il faut «réactiver la coopération régionale en matière de lutte contre le terrorisme et élargir son cadre à des pays comme la Libye, le Maroc, le Tchad...», a jugé Moctar Ouane, expliquant que «la porosité des frontières» rendait impossible toute action individuelle.

Cheikh Sidi Diarra a aussi appelé à «une coopération sécuritaire sincère». Mais «il faudrait vraiment que les éléments profonds de la crise soient pris en charge», a-t-il souligné, en évoquant «l'extrême pauvreté».