L'aviation de Khartoum a bombardé un camp de Casques bleus de l'ONU en territoire sud-soudanais proche du Soudan, sans y faire de victime, dans une région où s'enchaînent depuis fin mars des affrontements entre deux voisins désormais au bord d'une guerre ouverte.

L'attaque s'est produite dimanche soir dans l'État sud-soudanais d'Unité, frontalier et riche en pétrole. Les bombes larguées par l'aviation soudanaise ont tué sept civils et fait 14 blessés aux alentours du camp onusien, dans le bourg de Mayom, a affirmé à l'AFP le ministre de l'Information de l'État d'Unité, Gideon Gatpan.

«Ils (les Soudanais) ont mené un autre bombardement ici hier, ils ont bombardé Mayom et Bentiu», capitale de l'État d'Unité située à une soixantaine de km plus à l'ouest, a poursuivi le ministre.

«Deux avions de chasse ont largué huit bombes à l'est de Bentiu (...) d'autres sont tombées sur des villages autour de Bentiu», a-t-il ajouté. Là, trois autres personnes ont, selon lui, été tuées, dont une femme enceinte.

Le porte-parole de la mission de maintien de la paix de l'ONU au Soudan du Sud (UNMISS), Kouider Zerrouk, a confirmé l'attaque sur le camp et l'absence de victimes à l'intérieur du complexe onusien.

Aucune réaction à ces informations n'a pu être immédiatement obtenue des autorités soudanaises.

Depuis fin mars, les armées des deux Soudans s'affrontement dans la région, en zone frontalière, essentiellement autour de la zone pétrolière de Heglig.

Riche en pétrole, Heglig, elle-même située à une soixantaine de km de Bentiu, assure environ la moitié de la production de brut du Nord, mais est aussi revendiquée par le Sud.

La situation s'est encore envenimée la semaine dernière, quand l'armée du Soudan du Sud a pris cette zone stratégique aux troupes soudanaises.

Juba a affirmé vendredi qu'elle ne s'en retirait qu'à de très strictes conditions, dont l'arrêt des bombardements soudanais et le repli de l'armée de Khartoum d'une autre zone contestée, Abyei. Mais dès dimanche, elle accusait le Nord de tenter d'ouvrir un nouveau front, à sa frontière nord-est.

L'ennemi sud-soudanais

Le Parlement soudanais a adopté lundi à l'unanimité une résolution déclarant le gouvernement du Soudan du Sud un «ennemi», après la prise de contrôle par les troupes sud-soudanaises de la zone frontalière de Heglig, principal champ pétrolier du Soudan.

«Le gouvernement du Soudan du Sud est un ennemi et tous les organismes d'État doivent le traiter selon ce principe», a déclaré le Parlement dans cette résolution.

Après le vote, le président du Parlement, Ahmed Ibrahim El-Tahir, a appelé l'assemblée à renverser le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), les ex-rebelles sudistes désormais au pouvoir au Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011 à la suite d'une guerre civile dévastatrice (1983-2005).

«Nous annonçons que nous combattrons le SPLM jusqu'à ce que nous mettions fin à son gouvernement au Soudan du Sud. Nous rassemblons toutes nos ressources pour atteindre ce but», a-t-il ajouté.

Les relations entre les deux capitales sont tendues depuis l'indépendance du Soudan du Sud en juillet dernier.

Mais jamais, depuis cette date, les affrontements n'avaient pris une telle ampleur et la communauté internationale, qui redoute de plus en plus une nouvelle guerre, ne cesse d'appeler les deux parties à la retenue. Avant des accords de paix signés en 2005, qui ont ouvert la voie à la partition du Soudan, le Nord et le Sud se sont déchirés dans des décennies de guerre civile.

Parmi les points de contentieux qui empoisonnent encore les relations Nord-Sud, figurent le tracé de la frontière commune, des accusations réciproques de soutien à des groupes rebelles et le partage des ressources pétrolières. Le Soudan du Sud a hérité des trois quarts des réserves de brut du Soudan d'avant sécession.

Depuis des mois, l'Union africaine (UA) tente une médiation pour régler ces différends. Mais face à la récente escalade, le Nord a annoncé son retrait des pourparlers.

Dimanche, l'Égypte, ancienne puissance coloniale du Soudan aux côtés des Britanniques, a à son tour proposé ses services pour dénouer la crise, dépêchant son ministre des Affaires étrangères, Mohammed Kamel Amr, dimanche à Khartoum et ce lundi à Juba.

«Nous sommes venus pour explorer des idées et des voies pour essayer de parvenir à une solution pacifique entre les deux nations,» a-t-il déclaré à son arrivée à Juba. «Nous n'avons pas encore de proposition concrète,» a-t-il cependant reconnu.