Le nouveau chef du plus militarisé des groupes rebelles du Darfour, Gibril Ibrahim, a affirmé jeudi que son mouvement ne dialoguerait pas avec Khartoum et continuerait à oeuvrer pour faire tomber le régime du président soudanais Omar el-Béchir.

Le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) a choisi mercredi Gibril Ibrahim pour succéder à son frère Khalil, tué fin décembre par l'armée soudanaise, a expliqué son porte-parole, Gibril Adam Bilal, joint par téléphone par l'AFP à Khartoum.

Dans sa première interview à la presse, Gibril Ibrahim a affirmé à l'AFP ne pas penser «que le gouvernement veuille dialoguer avec nous maintenant». «Ils ont complètement détruit le climat des négociations» en tuant Khalil, a-t-il affirmé, joint par téléphone dans un lieu non précisé.

Les membres du JEM veulent maintenant venger la mort de Khalil et «je ne pense pas (qu'ils) soient prêts à parler de dialogue», a-t-il insisté.

La mort de Khalil Ibrahim avait créé une certaine incertitude quant à l'avenir du JEM, qui avait formé en novembre avec plusieurs autres groupes rebelles le Front révolutionnaire soudanais pour poursuivre la «rébellion armée» contre Khartoum.

Le chef de la mission ONU-Union africaine au Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie à la guerre civile, Ibrahim Gambari, s'était inquiété mercredi du fait que le JEM puisse se diviser en factions après la mort de Khalil Ibrahim.

Selon Magdi El Guizouli, du Rift Valley Institute, un groupe de recherche, le nouveau chef va hériter d'un mouvement miné par les divisions et une guerre chronique.

«Gibril ne va pas beaucoup changer la situation», a-t-il estimé. «À moins d'un soutien au niveau de la région, ses options sont limitées».

«Le JEM n'a jamais été aussi uni qu'aujourd'hui», a cependant assuré Gibril Ibrahim à l'AFP, ajoutant que le gouvernement «a plus peur du JEM que de n'importe quelle autre organisation au monde».

Les rebelles affirment lutter pour la «démocratie et les droits civiques» contre un régime dominé par les Arabes qui ne représente pas selon eux la diversité politique, ethnique et religieuse du pays.

Au moins 300 000 personnes ont été tuées depuis le début en 2003 de la guerre civile au Darfour, selon une estimation des Nations unies. Khartoum évoque de son côté le chiffre de 10 000 morts.

Gibril Ibrahim, qui a une formation d'économiste et a enseigné dans des universités à Khartoum et en Arabie saoudite, a assuré que le JEM suivrait la voie tracée par son frère pour obtenir un changement «démocratique» dans un pays selon lui mal géré et dirigé par une clique. «Nous allons nous unir à d'autres mouvements de résistance», a-t-il dit.

Le JEM a refusé de signer l'accord de paix du Darfour de mai 2006, de même que celui de juillet 2011 à Doha, conclu entre Khartoum et le Mouvement de libération pour la justice (LJM, une coalition de petites factions rebelles).

Il estimait notamment que ce dernier accord ne résolvait pas les problèmes clés du partage du pouvoir et des richesses, des violations des droits de l'Homme, et du sort des 1,8 million de déplacés.

Selon Gibril Ibrahim, qui a travaillé auparavant comme conseiller pour le JEM et responsable de ses relations avec l'étranger, le document de Doha ne s'attaque pas aux racines du conflit et le gouvernement n'est pas un partenaire fiable.

Le président Béchir fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour génocide ainsi que pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre à l'encontre des habitants du Darfour.

Cinq autres personnes, anciens responsables du gouvernement, des rebelles et des milices arabes alliées au pouvoir, sont sous le coup de mandats d'arrêt.