Au lendemain du second tour de l'élection présidentielle, la Côte d'Ivoire attendait fébrilement les résultats, qui devaient commencer à être publiés lundi, de ce scrutin marqué par la mort d'au moins trois personnes et des incidents localisés.

La Commission électorale indépendante (CEI) devait débuter dans l'après-midi à diffuser des résultats partiels.

D'ici mercredi, elle doit annoncer qui, du président sortant Laurent Gbagbo et de l'ex-premier ministre Alassane Ouattara, présidera pour cinq ans le pays, abîmé par une décennie de crises politico-militaires et coupé en un sud loyaliste et un nord tenu par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), depuis le putsch raté de septembre 2002.

Six fois repoussée depuis la fin du mandat de M. Gbagbo en 2005, l'élection s'est déroulée dans un climat de tension qui contrastait avec l'ambiance plutôt apaisée du premier tour le 31 octobre.

Le jour même du vote, trois personnes ont ainsi été tuées dans des violences, a annoncé le représentant de l'ONU dans le pays, Youn-jin Choi, lors d'une conférence de presse.

Le ministère de l'Intérieur avait fait état dimanche soir d'un militaire et d'un civil tués dans la région de Daloa, à l'ouest du pays, dans des circonstances qui demeuraient très floues. Avec ces chiffres de l'ONU, le bilan des violences des derniers jours est porté à au moins sept morts.

M. Choi a toutefois souligné que les «troubles» avaient été «plutôt localisés». «En dépit des incidents parfois violents signalés dans l'ouest et le nord du pays», le second tour «s'est tenu globalement dans un climat démocratique», a-t-il affirmé.

Cependant, les deux camps ont dès dimanche contesté les conditions du scrutin, s'accusant mutuellement d'avoir empêché les électeurs de leur rival de voter dans certaines régions.

Le parti de M. Ouattara a dénoncé un «empêchement systématique» à l'égard de ses électeurs, en particulier à Abidjan et dans le centre-ouest.

Le camp Gbagbo a affirmé que le vote avait été «globalement non transparent» dans le nord aux mains des FN. Il commence à évoquer la possibilité d'une invalidation de la présidentielle dans cette zone acquise à M. Ouattara.

Placé dès samedi -en tout cas en zone sud- sous un couvre-feu nocturne controversé, le pays était suspendu à l'annonce des résultats.

Si à Bouaké, bastion FN du centre du pays, la vie suivait lundi son cours normal, Abidjan tournait au ralenti. Dédié à l'administration et aux affaires et habituellement grouillant de monde, le quartier du Plateau était quasi-désert.

«À cause des élections, les gens ne sont pas beaucoup sortis», se désolait Mamadou Diallo, marchand de journaux. «Par rapport aux violences, nous avons très peur», a-t-il confié à l'AFP.

Après la «divine surprise» du 31 octobre, la presse locale se faisait l'écho de ces inquiétudes.

«Contrairement aux discours officiels, l'actuelle élection ne signifie nullement la fin de la crise et de la méfiance devenue chronique entre les Ivoiriens», tranche le quotidien d'État Fraternité-Matin, pour qui «la Côte d'Ivoire n'est pas encore sortie de l'auberge».

Beaucoup de journaux, à l'instar de Nord-Sud (proche des FN), se demandaient «à qui profite l'abstention». Après une participation exceptionnelle au premier tour il y a un mois (83%), les Ivoiriens semblaient en effet s'être nettement moins mobilisés, après une campagne électorale sous haute tension.