La réintégration de la Libye dans le concert des nations n'a pas été accompagnée d'avancées significatives dans le domaine des libertés, affirme mercredi Amnesty International dans un rapport, estimant que la situation des droits de l'homme était «toujours aussi désespérée».

L'organisation basée à Londres reconnaît toutefois que «la Libye d'aujourd'hui n'est plus l'État paria qu'il était il n'y a pas longtemps» et que «le climat de peur et de répression qui régnait en Libye depuis plus de trois décennies diminue progressivement».

Longtemps considérée par la communauté internationale comme un État voyou soutenant le terrorisme, Tripoli tente depuis 2003 de solder son passé conflictuel avec l'Occident. Elle a normalisé en 2006 ses relations avec les États-Unis et négocie depuis quelques mois un accord de partenariat avec l'UE.

Mais, selon Amnesty, «la lenteur de la réforme interne en Libye contraste fortement avec le renforcement de sa présence sur la scène internationale».

«La situation des droits humains en Libye est toujours aussi désespérée», déplore Amnesty dans son rapport de 134 pages, précisant que «les responsables de graves violations des droits de l'homme restent au-dessus de la loi et jouissent d'une impunité totale».

À moins que Tripoli ne démontre «une réelle volonté politique de réformer ses lois, politiques et pratiques, et de s'attaquer au lourd héritage de violations des droits de l'homme, il y a peu d'espoir pour l'établissement et la consolidation d'une Libye de demain fondée sur le respect de (ces) droits (...) et la primauté du droit», note encore l'organisation.

Selon le rapport intitulé La Libye de demain, quel espoir pour les droits de l'homme?, la «violation des droits humains continue d'être généralisée en Libye» et «les lois répressives interdisent toute forme de pensée indépendante».

Par ailleurs, Amnesty pointe du doigt les services de l'Agence de sécurité intérieure (ASI, renseignement) «qui semble fonctionner au-delà de tout contrôle judiciaire», l'accusant d'être impliquée dans de graves violations des droits de l'homme.

L'ASI gère deux grandes prisons à Tripoli, Abou Slim et Ain Zara. Selon Amnesty, cet organisme contrôle aussi «un certain nombre de lieux de détention inconnus qui sont hors du contrôle de toute autorité judiciaire».

Amnesty appelle Tripoli à placer tous les centres de détention sous le contrôle du ministère de la Justice, à abolir les lois criminalisant la liberté d'expression et d'association et à conduire des enquêtes indépendantes sur des cas de torture et sur des cas de «disparition forcée».

Elle demande en particulier aux autorités de faire la lumière sur le massacre de 1996 à la prison d'Abou Slim au cours duquel au moins 1200 prisonniers ont été tués par les forces de l'ordre, et de juger les responsables.

Amnesty appelle enfin la Libye à décider d'un moratoire officiel sur les exécutions, en vue d'abolir la peine de mort, et de «cesser immédiatement l'application de châtiments corporels, y compris la flagellation».