Après 41 ans de pouvoir d'Omar Bongo, le Gabon va élire un nouveau président dimanche lors d'un scrutin à un tour dont la «régularité» est décriée par l'opposition et qui rassemblera pas moins de 23 candidats, dont Ali Bongo, le fils du président décédé en juin.

«Changement», «Rupture», «Alternance». Ces trois mots ont fleuri sur les affiches de la campagne et les 23 candidats à l'élection présidentielle les utilisent en permanence. Même Ali Bongo, pourtant investi par le Parti démocratique gabonais (PDG) fondé par son père et qui représente la continuité du régime, souligne souvent qu'Omar Bongo avait fait en 2008 un «bilan très critique de la situation dans notre pays». Pendant la campagne haute en couleurs, chacun a promis une gestion plus rigoureuse des deniers publics et une meilleure redistribution des richesses dans ce pays pétrolier gangrené par la corruption.

Cinq ministres et celui qui était premier ministre lors du décès d'Omar Bongo, dont le régime fut souvent taxé clientélisme, figurent parmi ces candidats.

Fort du soutien du PDG et d'un budget de campagne qui semble inépuisable, Ali, 50 ans, est le favori du scrutin, même s'il n'existe aucun sondage fiable et public.

Dans les QG des candidats et les ministères, des chiffres contradictoires circulent. Un trio semble se détacher: Ali Bongo, l'ancien premier ministre Casimir Oyé Mba, qui avait brigué l'investiture du PDG, et l'opposant Pierre Mamboundou, en lice pour une coalition de partis, semblent les mieux placés.

L'ancien ministre de l'Intérieur André Mba Obame, indépendant, et l'ancien hiérarque devenu opposant, Zacharie Myboto, conservent leurs chances, dans un scrutin qui s'annonce serré.

Paul Mba Abessole, ex-opposant rallié au régime, l'ex-premier ministre Jean Eyéghe Ndong, les opposants Jules Bourdes Ogouliguende et Luc Bengono Nsi, le candidat autoproclamé de la société civile Bruno Ben Moubamba sont distancés, selon ces estimations.

«Ali est favori: la machine du PDG est habituée à contrôler les élections et on peut être élu avec moins de 20% des voix. Le morcellement l'avantage», souligne un politologue gabonais sous couvert de l'anonymat.

Un collectif de 12 candidats, dont les principaux poids lourds, ont réclamé en vain le report du scrutin dénonçant des «irrégularités flagrantes». Le collectif souligne notamment que le corps électoral de 813.000 votants est «bien trop grand» par rapport à la population réelle de 1,5 million d'habitants.

Dans la population, un slogan circule «TSA» (Tout sauf Ali). Un collectif des «Partisans du changement», la chanteuse Annie Flore Batchiellilys et même le candidat Jean Eyéghe Ndong militent pour une candidature unique de l'opposition. Des ralliements pourraient intervenir.

Des méthodes moins élégantes tentent de disqualifier Ali: une rumeur insidieuse circulant sur Internet et par SMS affirme qu'il est un enfant Nigérian adopté et qu'il n'est donc «pas Gabonais».

Le vote ne s'établira pas forcément autour des idées. «Je perçois une tonalité identitaire inquiétante», souligne M. Oyé Mba, pointant une «ethnisation» du scrutin entrevue aussi par des nombreux observateurs.

Beaucoup d'électeurs pourraient se déterminer en fonction de leur ethnie et de celle du candidat.

Omar Bongo, de l'ethnie minoritaire des Batéké, avait mis en place un système reposant sur un savant dosage des ethnies aux postes-clés.

Dans l'entourage de certains candidats fang, ethnie à la majorité relative (entre 30% et 40%), on n'hésite pas à jouer sur cette corde pour faire le plein de voix mais le «TSF» (Tout sauf les Fang), qui pourrait faire le jeu d'Ali, fait aussi son chemin.