(Moscou) La justice russe a maintenu mardi en détention jusqu’à fin mars le journaliste américain Evan Gershkovich, arrêté il y a près d’un an pour « espionnage » par les services de sécurité russes (FSB) et que Moscou espère échanger.

Plus tôt mardi, le même FSB a indiqué avoir arrêté une ressortissante russo-américaine, résidente de Los Angeles, à Ekaterinbourg en Russie, la ville où M. Gershkovich avait également été arrêté. Elle est accusée de « trahison ».

La justice russe a par ailleurs interdit mardi en Russie Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), un média financé par Washington, en pleine répression de toute voix critique depuis l’offensive du Kremlin en Ukraine.

Plusieurs citoyens américains ont été arrêtés et condamnés ces dernières années à de lourdes peines en Russie. Washington, qui soutient Kyiv face à l’armée russe depuis deux ans, accuse Moscou de les prendre en otage pour les échanger.

Le président russe Vladimir Poutine a récemment dit vouloir négocier un échange de prisonniers avec Washington, évoquant le cas d’un homme, condamné pour un assassinat commandité attribué à la Russie, qui est en prison en Allemagne.

Mardi, Evan Gershkovich contestait lui la prolongation de sa détention provisoire jusqu’à fin mars pour « espionnage ». Il rejette cette accusation, de même que les États-Unis, son journal et sa famille.

« Le tribunal municipal de Moscou […] a laissé la décision du tribunal (de première instance) sans changement et rejeté l’appel. Gershkovich reste en détention jusqu’au 30 mars 2024 », a indiqué le service de presse des tribunaux moscovites.

Le journaliste de 32 ans est apparu au tribunal dans la cage en verre réservée aux détenus, vêtu d’un pull sombre.

Reporter au Wall Street Journal, Evan Gershkovich, qui a aussi travaillé pour l’AFP à Moscou par le passé, avait été arrêté par le FSB lors d’un reportage à Ekaterinbourg, dans l’Oural.

Il encourt jusqu’à 20 ans de prison. La Russie n’a jamais étayé ses accusations ni apporté publiquement d’éléments de preuve. L’ensemble de la procédure a été classée secrète.

« Trahison »

La Russo-Américaine dont l’arrestation a été annoncée mardi est pour sa part accusée d’avoir levé des fonds pour l’armée ukrainienne.  

Ce motif est régulièrement évoqué par les autorités, qui annoncent désormais très régulièrement l’arrestation de citoyens russes à travers le pays, accusés d’avoir collaboré avec l’Ukraine.

« Le service fédéral de sécurité a mis fin, à Ekaterinbourg, aux activités illégales d’une résidente de Los Angeles âgée de 33 ans, détentrice des nationalités russe et américaine », a indiqué le FSB dans un communiqué.  

La jeune femme, qui n’a pas été identifiée, a été arrêtée dans le cadre d’une enquête pour « trahison », car elle aurait collecté, depuis l’offensive russe contre l’Ukraine de février 2022, des « fonds au profit d’une organisation ukrainienne ».

Cet argent aurait été utilisé, selon le FSB, pour « acheter des moyens médicaux tactiques, des équipements, des armes et des munitions pour les forces armées de l’Ukraine ».

Le FSB lui reproche en outre d’avoir participé « aux États-Unis, à plusieurs reprises, à des actions publiques de soutien au régime de Kyiv ».

Une vidéo, diffusée par l’agence d’État Ria Novosti, montre une jeune femme, en doudoune blanche et bonnet blanc abaissé sur les yeux, être menottée par un agent encagoulé du FSB.

Média interdit

Selon un document publié sur le site du ministère russe de la Justice, le média RFE/RL a lui été déclaré « indésirable », ce qui interdit de facto ses activités. Des dizaines d’organisations en Russie ont subi le même sort, ce qui expose leurs employés à des poursuites judiciaires.

RFE/RL, basé à Prague, est financé par le Congrès américain et dispose de plusieurs antennes dans de multiples langues parlées en ex-URSS.

Cette interdiction est « le dernier exemple en date montrant comment le gouvernement russe voit le journalisme factuel comme une menace distancielle », a réagi le patron de RFE/RL Stephen Capus, ajoutant que ses équipes « travailleront plus encore pour apporter aux Russes du journalisme libre et indépendant. »

Une journaliste russo-américaine de ce média, Alsu Kurmasheva, travaillant pour le service en langues tatare et bachkire, a été arrêtée en Russie en octobre 2023.  

Selon les médias russes, elle est accusée de diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe en Ukraine, crime passible d’une longue peine de prison.  

Un ex-marine américain Paul Whelan, emprisonné en Russie depuis 2018, attend lui aussi un échange, et rejette les accusations d’espionnage qui lui ont valu une peine de 16 ans de prison.