L’accident survenu dans la nuit de lundi à mardi à l’aéroport Tokyo-Haneda, au Japon, où un aéronef des garde-côtes a percuté au sol un avion de ligne de la Japan Airlines, survient dans un contexte de tensions dans la gestion du trafic aérien à travers le monde. Tour d’horizon avec des experts en aviation.

Que sait-on de la collision jusqu’ici ?

Sur des images prises à 17 h 47, heure locale, on peut voir l’avion de la Japan Airlines atterrissant sur le tarmac avant qu’une grosse explosion ne se déclenche et laisse une traînée de flammes et de fumée dans le sillage de l’appareil, qui s’immobilise plus loin. « Il semble qu’il y ait un avion qui n’était pas censé être où il se trouvait. C’est soit une erreur de pilotage ou une erreur de contrôle aérien », explique John Gradek, chargé de cours à l’Université McGill, en affirmant qu’un rapport des évènements devrait être rendu disponible bientôt. « Ce qui est clair, c’est que c’est une erreur humaine », renchérit Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation civile de l’UQAM.

Quel est le bilan de cette tragédie ?

Cinq des six occupants de l’avion des garde-côtes sont morts après la collision, a annoncé le ministre nippon des Transports – seul le pilote a réussi à évacuer. Parmi les 379 passagers et 12 membres de l’équipage de la Japan Airlines, 14 personnes ont été blessées, mais toutes ont pu évacuer l’appareil. « Pour une évacuation en dedans de 90 secondes, c’est très rapide. Il faut que les gens soient bien entraînés et écoutent, explique John Gradek. Les agents de bord ont vraiment fait un travail magnifique. » Un responsable de Japan Airlines a par ailleurs affirmé mardi soir que l’équipage avait eu l’autorisation d’atterrir. « D’après ce que nous avons compris, elle avait été donnée. » Les échanges radio de la tour de contrôle de Tokyo-Haneda, que l’AFP a consultés sur le site de Live Air Traffic, semblent étayer cette version. « Japan 516, continuez votre approche », avait dit mardi un contrôleur aérien, quatre minutes avant la collision.

Bien que les circonstances de cette tragédie restent à éclaircir, on remarque une augmentation du nombre de « quasi-collisions » dans les aéroports en Amérique du Nord. Que sait-on de ce phénomène ?

Fin août, une enquête du New York Times a révélé que le nombre de « quasi-collisions » qui se produit dans les aéroports des États-Unis est en fait bien plus élevé que ce qui est rapporté publiquement. « En Amérique du Nord, on voit qu’on a de plus en plus de ce type d’incidents et on tente de comprendre la cause principale », confirme John Gradek, ajoutant qu’un stress accru chez les contrôleurs aériens ou le manque d’expérience de certains pilotes pourrait y contribuer.

L’augmentation du volume aérien d’année en année pourrait-elle aussi avoir un rôle à jouer ?

Les compagnies aériennes s’attendaient à transporter 4,35 milliards de passagers dans le monde cette année, non loin du record de 4,54 milliards de 2019, avant la pandémie. « La réponse rapide, c’est oui. Mais la question qu’on se pose dans le monde du contrôle aérien, c’est : est-ce qu’on a les compétences suffisantes pour supporter le volume de passagers aériens qu’on a », souligne John Gradek. En effet, après avoir connu une relative accalmie qui a entraîné des suppressions de postes durant la pandémie, l’industrie du transport aérien s’est relevée plus rapidement que prévu, explique Mehran Ebrahimi. « C’est comme si quelqu’un avait été sur un lit d’hôpital pendant longtemps et qu’il devait se lever rapidement pour courir », image-t-il.

Et le Canada n’est pas épargné ?

Le Canada connaît, comme dans bien d’autres domaines, une pénurie de personnel, plus précisément de contrôleurs aériens. Plus de 300 personnes qui ont reçu une formation en ce sens sont attendues sous peu sur le marché de l’emploi, rappelle-t-il, et plus de 500 personnes devraient se joindre aux programmes de formation au cours des deux prochaines années, indiquait Nav Canada en décembre 2022. Malgré tout, le pays s’est vu attribuer une note de « C » pour la sécurité et la supervision de ses vols aériens par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) pas plus tard qu’en décembre dernier, en deçà de la note qu’obtiennent plusieurs de ses alliés. Une réponse de Transports Canada est toujours attendue dans ce dossier, signale John Gradek.

Et le Japon ?

L’enquête des autorités nipponnes apportera certainement une partie de la réponse quant aux causes de l’accident, mais Mehran Ebrahimi se montre d’ores et déjà surpris qu’un tel accident se soit produit au pays du Soleil-Levant. « Habituellement, les Japonais sont très méticuleux par rapport à ces questions de sécurité. Ils ne sont pas parmi les pays où la situation est très critique et ils sont réputés pour suivre les protocoles », explique-t-il. « Ce n’est pas là-bas que je pensais qu’un tel accident surviendrait en premier », ajoute l’expert. Selon lui, le fait que l’avion des garde-côtes japonais répondait à une situation d’urgence, puisqu’il allait livrer des vivres aux victimes de séismes majeurs survenus la veille, pourrait toutefois avoir joué un rôle dans l’accident.

Avec l’Agence France-Presse

Lisez « Japan Airlines dit que son avion était autorisé à atterrir »

Le Canada impliqué dans l’enquête

Comme un des avions impliqués dans l’accident est construit au Canada, le Bombardier Dash-8 de la Garde côtière japonaise, il se peut que les autorités du pays soient invitées à participer à l’enquête sur l’accident à l’aéroport Tokyo-Haneda, précise John Gradek. Le Bureau de la sécurité des transports (BST) du Canada a d’ailleurs confirmé mardi qu’il apportera son aide à l’enquête « dans la mesure du possible ». « La participation du BST à l’enquête est encore à déterminer. Nous sommes dans l’attente d’informations supplémentaires de la part des autorités de l’État où l’accident s’est produit », a précisé son porte-parole Hugo Fontaine.