(Pékin) Pékin et Washington ont tenté d’établir des garde-fous pour leur rivalité croissante lors de la visite du secrétaire d’État Antony Blinken en Chine, mais elle n’a débouché que sur des promesses générales sans gages pour l’avenir.

Reparti de la capitale chinoise dans la nuit de lundi à mardi, le plus haut diplomate américain a notamment regretté la non-reprise du dialogue entre les armées des deux premières puissances mondiales.

Le président chinois Xi Jinping, tout comme son homologue américain Joe Biden, ont toutefois salué cette visite comme une réussite après des mois de tensions.

« Il était clair que les relations étaient instables et les deux parties ont reconnu la nécessité d’œuvrer pour les stabiliser », a déclaré lundi M. Blinken à des journalistes à Pékin.

L’administration Biden affirme régulièrement vouloir renforcer la communication avec la Chine pour éviter que des erreurs d’appréciation ne dégénèrent en conflit.

Mais Antony Blinken a reconnu que les États-Unis n’avaient pas obtenu la reprise du dialogue militaire, l’un de leurs principaux objectifs à cet égard.  

La Chine accuse les États-Unis de manquer de sincérité sur ce dossier car ils envoient régulièrement avions et navires militaires à proximité de son territoire.  

« Aucune certitude »

Les deux puissances continuent par ailleurs d’avoir des points de vue divergents sur Taïwan. Washington s’est rapproché ces dernières années des autorités de l’île revendiquée par Pékin, pour il s’agit d’un territoire en attente de réunification avec le reste de la Chine – par la force si nécessaire.

Selon Antony Blinken, les États-Unis souhaitent préserver le statu quo et s’inquiètent des « provocations » de Pékin, qui a mené des exercices militaires autour de l’île après des rencontres entre hauts responsables américains et la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen.

Le chef de la diplomatie au sein du Parti communiste chinois (PCC), Wang Yi, à ce titre patron de la politique extérieure, a indiqué lundi au secrétaire d’État américain que la Chine ne fera « aucune concession » sur ce dossier.

« Les deux parties ont convenu d’explorer la possibilité de stabiliser les relations bilatérales. Il n’y a aucune certitude qu’elles atteindront cet objectif », souligne Bonnie Glaser, spécialiste de la Chine au German Marshall Fund of the United States, institution qui vise à promouvoir les relations transatlantiques.

« Il faut être deux »

Pour Yun Sun, directrice Chine au groupe de réflexion américain Stimson Center, les États-Unis ont leur part de responsabilité dans la non-reprise du dialogue militaire.

L’actuel ministre chinois de la Défense, Li Shangfu, fait ainsi l’objet depuis 2018 de sanctions du gouvernement américain pour avoir acheté des armes russes. L’administration Biden assure que cela ne l’empêche pas de discuter avec son homologue américain Lloyd Austin.

« Bien sûr, ça ne pose pas de problème pour les Américains. Mais ça en pose un pour les Chinois », note Mme Yun.

« Pour danser, il faut être deux. En tout cas, ce n’est pas une demande déraisonnable » que de lever ces sanctions, déclare-t-elle.

Pour Shi Yinhong, professeur de relations internationales à l’université Renmin à Pékin, le bilan de la visite d’Antony Blinken reste conforme aux attentes.

Les temps de passage sont, selon lui, toujours bons pour une éventuelle visite de Xi Jinping aux États-Unis en novembre, lorsque Joe Biden accueillera à San Francisco les dirigeants étrangers pour un sommet Asie-Pacifique (Apec).

L’idée d’une communication accrue et d’une coopération plus étroite « est bien sûr positive, mais il est difficile de la mettre en œuvre concrètement », déplore M. Shi.

Ballon

Xi Jinping et Joe Biden s’étaient rencontrés en novembre à Bali en Indonésie lors d’un sommet du G20, où ils s’étaient pareillement engagés à maintenir les tensions bilatérales sous contrôle.

Mais les bonnes intentions avaient volé en éclat moins de trois mois plus tard, lorsque les États-Unis abattaient un ballon chinois accusé d’espionner le territoire américain.  

L’épisode avait entraîné le report d’une visite alors imminente d’Antony Blinken à Pékin et Xi Jinping fustigeait quelques semaines plus tard la « politique d’endiguement » et « d’encerclement » menée par les États-Unis.

Avec la poursuite de sanctions américaines contre des entreprises chinoises, des restrictions sur l’exportation de semi-conducteurs vers la Chine et le président de la Chambre américaine des représentants, Kevin McCarthy, qui souhaite se rendre à Taïwan, les nuages restent nombreux dans le ciel sino-américain.

« Cette reprise temporaire des contacts ne survivra pas » à ce type d’épisode, estime Yun Sun, du Stimson Center.

« Après la visite de Blinken, la relation reste encore extrêmement vulnérable. »

Trois « agents » de Pékin condamnés pour le harcèlement d’un dissident aux États-Unis

Un Américain et deux Chinois ont été reconnus coupables mardi d’avoir, sous couvert de lutte contre la corruption, cherché à rapatrier de force des opposants et des dissidents chinois vivant aux États-Unis.

Michael McMahon, un ex-policier quinquagénaire de New York, Zhu Yong, 66 ans, et Zheng Congying, 27 ans, ont agi comme des « agents » du Parti communiste chinois, a reconnu un tribunal fédéral à New York.

Les trois hommes étaient accusés d’avoir participé à une opération mondiale baptisée « Fox Hunt », impliquant selon les autorités américaines des « brigades de rapatriement », fonctionnant en toute clandestinité afin de forcer des Chinois expatriés à rentrer dans leur pays.

Durant plusieurs années, ils ont harcelé une victime installée dans le New Jersey, dont le nom n’est pas rendu public. Les trois hommes ont organisé la venue de son père aux États-Unis afin de le localiser, ont filmé sa fille adulte pour exercer des pressions sur lui et lui ont envoyé des messages de menaces.

En 2018, l’un d’entre eux a même tenté de défoncer la porte d’entrée de la victime, avant d’y placarder la note suivante : « Si vous êtes prêt à rentrer au pays et à passer dix ans en prison, votre femme et vos enfants iront bien. Fin de l’histoire ! »

Officiellement, leurs cibles étaient des personnes recherchées par la justice chinoise, souvent pour corruption. Mais pour Washington, il s’agissait en fait d’opposants, de dissidents ou de personnes critiques du régime du président chinois Xi Jinping.

Pékin a toujours défendu l’opération, accusant les États-Unis de « calomnie ».

Les trois hommes encourent des peines de prison allant de 10 à 25 ans.

Agence France-Presse