Au plus fort des années Reagan, l'ancien gouverneur de New York Mario Cuomo, décédé hier à 82 ans, redonna espoir aux démocrates «libéraux» en prononçant un discours empreint d'une rare éloquence reflétant les valeurs d'un fils d'immigrants italiens arrivés aux États-Unis sans le sou et ne parlant pas un mot d'anglais. En voici un extrait tiré de la vidéo qui coiffe ce billet :

«Et le président (Reagan) a raison. De plusieurs façons, nous somme une cité brillante sur une colline. Mais la dure réalité est que ce n'est pas tout le monde qui partage la gloire et la splendeur de cette cité. Une cité brillante est peut-être tout ce que le président voit depuis le portique de la Maison-Blanche ou la véranda de son ranch, où tout le monde semble bien se porter. Mais il y a une autre cité; il y a une autre partie de cette ville brillante; une partie où certaines personnes ne peuvent payer leur hypothèque, et où la plupart des jeunes ne peuvent s'en payer une; où les étudiants n'ont pas les moyens d'obtenir l'éducation dont ils ont besoin, et où les parents de la classe-moyenne voient s'évaporer les rêves qu'ils caressent pour leurs enfants.

«Dans cette partie de la cité, il y a plus de pauvres que jamais, plus de familles dans le besoin, et de plus en plus de personnes qui ont besoin d'aide mais qui ne peuvent en trouver. Pire encore : il y a des personnes âgées qui tremblent dans les sous-sols des maisons. Et il y a des gens qui dorment dans les rues de la cité, dans les caniveaux où les paillettes ne brillent pas. Il y a des ghettos où, chaque jour, des milliers de jeunes gens, sans travail et sans éducation, donnent leurs vies aux revendeurs de drogue. Il y a du désespoir, M. le président, dans les visages que vous ne voyez pas, dans les endroits que vous ne visitez pas dans votre cité brillante.

«En fait, M. le président, vous devriez savoir que cette nation est davantage un "Conte de deux cités" qu'une «Cité brillante sur une colline".»

Ce discours livré à San Francisco devant la convention démocrate de 1984 propulsa Mario Cuomo parmi les candidats potentiels à l'élection présidentielle de 1988 et 1992. Mais l'intéressé finit par hériter du surnom de «Hamlet sur l'Hudson» en raison de son incapacité de se brancher.

En fait, en 1991, il annonça son refus de briguer la présidence 90 minutes avant la limite fixée par le New Hampshire pour pouvoir être candidat aux primaires de cet État. Deux jets dont les moteurs étaient en marche l'attendaient à l'aéroport d'Albany pour le transporter avec son entourage au New Hampshire pour la signature des documents de candidature et le versement d'une somme de 1 000$.

Gouverneur de New York pendant trois mandats (1983-1994), Mario Cuomo retint également l'attention pour deux positions morales défendues avec son éloquence habituelle. Il défia la hiérarchie de l'Église catholique en affirmant qu'un politicien de sa confession pouvait à la fois être opposé à l'avortement sur un plan personnel et favorable au droit des femmes à interrompre leur grossesse.

Et il mit son veto aux lois adoptées annuellement par le parlement d'Albany pour rétablir la peine de mort à New York pendant ses trois mandats.

Le hasard a voulu qu'il s'éteigne après que son fils Andrew eut prononcé son deuxième discours d'investiture au poste de gouverneur de New York. Le New York Times consacre cet article à la vie et à la carrière de ce politicien qui a tenté de se faire élire à la mairie de New York en 1977 (il a plus tard pris sa revanche sur le vainqueur éventuel, Ed Koch, en le le défaisant lors d'une élection au poste de gouverneur).