Les mines antipersonnel ont provoqué encore plus de victimes dans le monde, l'an dernier. C'est la troisième année de suite que l'Observatoire des mines, qui publie aujourd'hui son rapport annuel, constate une hausse, alors que le nombre de victimes n'avait cessé de diminuer au cours des 15 années précédentes. Voici les faits saillants du rapport, qui contient également quelques bonnes nouvelles.

8605 

C'est le nombre de personnes qui ont été tuées ou blessées en 2016 par des mines antipersonnel et des restes explosifs de guerre, soit presque autant qu'en 1999, lors de l'entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel. Pourtant, le nombre de victimes avait baissé continuellement jusqu'en 2013, alors qu'il avait atteint un creux historique de 3450. « C'est alarmant », a déclaré lors d'un entretien téléphonique avec La Presse Jérôme Bobin, directeur de Handicap international Canada, qui a contribué au rapport. Il rappelle par ailleurs que ces armes ne sont pas conçues pour tuer, de sorte que « 75 % des victimes sont des blessés qui nécessitent un accompagnement à long terme », tant physique que psychologique.

78 % 

Proportion des victimes en 2016 qui étaient des civils

1554 

Parmi les victimes, nombre de ceux qui étaient des enfants, un triste record : l'Observatoire n'en avait jamais recensé autant depuis son premier rapport, en 2000 (le nombre réel pourrait être plus élevé, l'information concernant l'âge des victimes n'étant pas toujours disponible).

Pays comptant la majorité des nouvelles victimes :  si des victimes de mines antipersonnel et de restes explosifs de guerre ont été dénombrées dans 56 États et territoires en 2016, la plupart se trouvaient en Afghanistan, en Libye, en Syrie, en Ukraine et au Yémen.

Nombre de gouvernements qui ont eu recours à ces armes en 2016 : ceux de la Syrie et de la Birmanie, qui ne sont pas parties à la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel. Ce sont donc principalement des groupes non étatiques qui utilisent désormais ce type d'armes, s'inquiète Jérôme Bobin. Souvent, ces groupes fabriquent des « engins artisanaux, comme des bouteilles de plastique avec des seringues à l'intérieur », a-t-il pu constater de ses propres yeux, l'an dernier, en Colombie. « Pratiquement sans métal, ça exige d'être encore plus minutieux pour les détecter. »

61

Nombre d'États qui sont toujours « contaminés » par des mines antipersonnel et des restes explosifs de guerre

11 

Nombre d'États qui réclament encore le droit de produire des mines antipersonnel, mais dans les faits, seule l'Inde aurait une production active

170 km2 

Superficie des territoires qui ont été nettoyés en 2016 de plus de 232 000 mines antipersonnel et 29 000 mines antivéhicule, ce qui redonne la « liberté de marcher, de recultiver les terres, de construire des routes, des canalisations », s'enthousiasme Jérôme Bobin, qui ajoute que la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel a un effet intangible, puisqu'il est impossible de dire « combien de personnes ont été épargnées », mais il a une certitude : grâce à cette convention, « on sauve des vies, on évite des handicaps ».

17 millions de dollars 

Contribution du Canada, une augmentation de 27 % par rapport à la contribution de l'année précédente, qui lui permet de dépasser le Danemark, l'Australie et la Nouvelle-Zélande et d'entrer dans le palmarès des 10 plus importants contributeurs à la lutte contre les mines antipersonnel

20e ANNIVERSAIRE DE LA CONVENTION D'OTTAWA

Les 3 et 4 décembre 1997, 122 pays signaient la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel, qui allait entrer en vigueur en 1999. Aujourd'hui, 162 États en sont parties. « C'est vraiment un héritage, un legs à la paix et la sécurité mondiales par le Canada », affirme Jérôme Bobin. Or, la hausse récente du nombre de victimes démontre selon lui « un certain essoufflement » de l'action de la communauté internationale. « Ça nécessite un leadership renouvelé sur ce sujet », dit-il, estimant que le Canada, qui s'était « beaucoup mobilisé avant et après » l'adoption de la Convention d'Ottawa, pourrait jouer ce rôle.

PARTENARIAT EN SYRIE

Dans la foulée de la publication du rapport de l'Observatoire des mines, Handicap international et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) attirent l'attention sur la situation qui prévaut en Syrie, où « 30 000 personnes sont blessées chaque mois », par des explosifs de toutes sortes, alors que « moins de la moitié » des structures de santé sont encore fonctionnelles, après six ans de conflit. Les deux organisations ont tissé un partenariat pour venir en aide aux Syriens en situation de handicap, alors que les « organismes humanitaires [sur place] reconnaissent ne pas savoir quoi faire » avec ces gens, qui eux-mêmes ont du mal à se rendre là où ils pourraient être soignés, explique le directeur de Handicap international Canada, Jérôme Bobin. Bien des blessures qui ne sont pas soignées peuvent se transformer en handicaps permanents, illustre-t-il, ce qui fera de la victime un fardeau pour son entourage et la société.

Photo Jules Tusseau, fournie par Handicap international

Jemerson, 13 ans, a perdu sa main gauche en 2015 après avoir manipulé l'une des nombreuses mines antipersonnel posées durant 50 ans de conflit à Corinto, en Colombie.

Photo Jules Tusseau, fournie par Handicap international

Angie s'entraîne avec un détecteur de métal en vue de participer à des opérations de déminage en Colombie.