Un double attentat suicide contre des bâtiments officiels en plein coeur de Bagdad a fait hier au moins 147 morts et 720 blessés, une attaque que le gouvernement a imputée à Al-Qaeda et «ses alliés» pour torpiller les élections prévues en janvier.

Les kamikazes ont apparemment franchi plusieurs contrôles avant de faire exploser leurs véhicules à moins d'une minute d'intervalle, à l'heure de pointe.

La première attaque a visé hier matin le ministère de la Justice et celui des Municipalités et des Travaux publics qui se font face dans la rue de Haïfa. Une minute plus tard, une seconde explosion s'est produite devant le siège du gouvernorat de Bagdad, dans le même secteur.

Au cours des dernières semaines, des murs pare-souffle ont été retirés de la route devant les deux immeubles.

Il s'agit du bilan le plus meurtrier depuis plus de deux ans en Irak, où quatre attentats contre une secte religieuse kurde avaient fait 400 morts dans la province de Ninive, au nord du pays, le 14 août 2007. Hier, les blessés étaient si nombreux qu'il n'y avait pas assez d'ambulances pour les transporter à l'hôpital. Les services de secours ont donc utilisé des voitures particulières.

Le général Kassem Atta, porte-parole du commandement militaire de la capitale, a parlé de «deux attentats suicide». «Les kamikazes ont utilisé pour le premier un camion transportant une tonne d'explosifs et pour le second, une voiture remplie de 700 kg d'explosifs», a-t-il déclaré à l'AFP.

Il a par ailleurs précisé que 92 personnes blessées étaient toujours hospitalisées.

Depuis des mois, le premier ministre Nouri al-Maliki, qui briguera un nouveau mandat aux élections de janvier, insiste sur les progrès réalisés en matière de sécurité. Il a récemment ordonné le retrait de douzaines de murs pare-souffle des rues de la capitale, et il insiste pour dire que les forces irakiennes sont en mesure de sécuriser le pays alors que les troupes américaines plieront toutes bagage à la fin de 2011. Sa popularité repose en grande partie sur la croyance qu'il a rendu le pays plus sûr.

Maliki critiqué

Toutefois, le double attentat d'hier et ceux du 19 août, survenus au ministère des Affaires étrangères, forcent certains Irakiens à remettre en question leur appui au premier ministre.

«Nous ne voulons pas d'un gouvernement qui ne nous apporte pas la sécurité», lance Saif Adil, 26 ans, diplômé universitaire et chômeur. Maintenant les explosions surviennent plus rarement, mais elles sont plus dommageables: de nombreuses victimes dans des lieux stratégiques.»

Ali Hussein, 32 ans, s'interroge lui aussi en vue des élections. «Pourquoi voterais-je pour Maliki? Il n'a rien fait sauf attirer les explosions et apporter la corruption.»

Hier, le premier ministre irakien a montré du doigt les insurgés chiites, en guerre contre le gouvernement à majorité chiite. «Les crimes du Baas et d'Al-Qaeda ne réussiront pas à bloquer le processus politique et la tenue des élections. C'est la même main maculée de sang qui a commis les attentats du 19 août, et nous punirons les ennemis de l'Irak», a-t-il affirmé dans un communiqué.

M. Maliki s'est déplacé sur les lieux de l'attaque.

L'Irak avait accusé la Syrie d'abriter les commanditaires du double attentat du 19 août, qui visait deux ministères à Bagdad et avait fait 95 morts, provoquant une crise diplomatique avec Damas. La Syrie, qui avait nié abriter les commanditaires, a condamné hier dans un communiqué les attentats du même jour, parlant d'«actes criminels».

Le président américain Barack Obama a «fermement condamné ces attaques scandaleuses à l'encontre du peuple irakien». Son homologue français Nicolas Sarkozy a également dénoncé les attentats, de même qu'Ottawa.

Élections

Avant-hier, le chef de l'armée de terre irakienne avait mis en garde son pays contre le risque d'un regain de violences dans les prochains mois en raison des élections générales prévues le 16 janvier.

Dans un entretien avec l'AFP, le général Ali Gheidan s'était également dit préoccupé par les répercussions d'un éventuel report du scrutin.

Selon un parlementaire, les dirigeants irakiens qui ont discuté hier soir de la nouvelle loi électorale devaient se retrouver aujourd'hui pour arriver à un accord.

«Le président (kurde) Jalal Talabani, le premier ministre (chiite) Nouri al-Maliki et le président du Parlement (sunnite) Iyad al-Samarraï se rencontreront lundi (aujourd'hui) pour arriver à une décision finale sur les amendements afin de les envoyer au Parlement», a indiqué à l'AFP sous le couvert de l'anonymat ce député irakien qui assistait à la réunion.

Il a en outre affirmé que, pendant la réunion d'hier soir, M. Talabani avait reçu un appel téléphonique de son homologue américain Barack Obama qui «a pressé les participants d'arriver à un accord».

Le Parlement irakien n'est pas parvenu mercredi à trouver un accord sur une nouvelle loi électorale, en raison de l'âpre bataille entre Arabes et Kurdes pour le contrôle de la région pétrolière de Kirkouk, dans le nord du pays.