Le Nigeria, géant énergétique de l'Afrique et l'un des principaux fournisseurs des États-Unis, continue d'être ébranlé par la «guerre du pétrole» dans le delta du Niger, ce qui ajoute une pression de plus sur le volatil marché pétrolier.

Après une semaine d'attaques ininterrompues contre les compagnies pétrolières, leurs installations, leurs pipelines et leurs employés, le MEND (Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger) vient de déclarer un cessez-le-feu.

Les responsables nigérians ont réagi avec prudence, les rebelles ayant plusieurs fois déjà annoncé et levé d'autres trêves. L'armée, qui a géré le pouvoir de 1966 à 1999, rejette le cessez-le-feu car, dit-elle, «le Nigeria n'est pas en guerre».

Le MEND, qui réunit tout un éventail de groupes armés allant des résistants du peuple ogoni aux simples bandits, a accusé hier l'aviation d'avoir frappé les bases d'Ateke Tom, un seigneur de guerre qui lui est affilié.

Le général Mohammed Yusuf, porte-parole de l'armée, a refusé de commenter l'accusation. Mais il a souligné que la Force militaire conjointe (armée, marine et aviation) assurait une «présence permanente» dans le delta.

»Force majeure» chez Shell

Les attaques rebelles ont forcé la compagnie Shell à invoquer la «force majeure» samedi, ce qui la libère de ses obligations contractuelles sur ses exportations de brut à partir de ses installations dans le delta.

Le Nigeria a mis fin en juin aux droits d'extraction de Shell dans la riche région pétrolifère, y compris offshore, et les a transférés à la société d'État NPDC. Shell continue toutefois de gérer le transport et l'exportation du brut.

Une autre société d'État, la NNPC, est partenaire majoritaire d'entreprises conjointes avec Shell, Exxon Mobil, Chevron, Total et Eni Spa, qui produisent 90% du brut nigérian.

L'impact de la dernière offensive sur la production nationale n'est pas facile à évaluer dans le monde occulte du pétrole. L'influent Business Day, de Lagos, estime qu'elle a chuté d'un million de barils par jour, soit de plus de 40%. Il blâme aussi le vol et le détournement de brut dans le delta.

Mais le ministre du Pétrole, Odein Ajumogobia, en a minimisé l'impact hier, affirmant que le Nigeria produisait autour de deux millions de barils par jour. «Certaines installations touchées ne produisaient pas», a-t-il affirmé.

Écologie et autochtones

Le conflit remonte à la découverte du pétrole par les Britanniques en 1958. Les populations locales, dont les Ogonis, n'étaient pas consultées. La sécession du Biafra, englobant une partie du delta, et la guerre de 1967 ont donné au clivage une allure ethnique opposant le Sud chrétien au Nord musulman.

Mais la mobilisation des Ogonis en 1993, autour de l'écrivain Ken Saro-Wiwa, exécuté en 1995, a replacé la lutte dans un contexte de défense de l'écologie et des droits des peuples autochtones au nom des 20 millions de Nigérians qui habitent les 70 000 km2 du delta, un territoire qui englobe six États du pays.

Les autorités font flèche de tout bois: l'armée veut «casser» la volonté des rebelles, les gouverneurs les achètent et les divisent, mais tout le monde, gouverneurs et soldats compris, participent au vol et au détournement du pétrole.

L'International Crisis Group (ICG), une organisation privée proche des capitales occidentales, vient de proposer au Nigeria d'entamer des consultations avec les populations locales, «seule façon de stabiliser la région», dit-il.

Avec Reuters, Irin News, Business Day, Sun News, Economist Et Bloomberg

Chef détenu

Henry Okah, présumé chef du Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (MEND), a été arrêté l'an dernier en Angola et remis au Nigeria, où il est détenu sous des accusations de trahison et de trafic d'armes. Sa femme, Azuka, et son avocat, Wilson Ajuwa, ont affirmé, lundi à Lagos, qu'il avait besoin de soins médicaux urgents pour des problèmes rénaux dont il souffre depuis 1983. «Il a un seul rein qui fonctionne», a dit sa femme, qui souhaite qu'il soit traité en Afrique du Sud. Les vrais chefs du MEND ne sont pas connus, le mouvement étant composé de plusieurs groupes bien armés et financés grâce au vol du brut, notamment des groupes de bandits et de seigneurs de guerre, le plus notoire étant Ateke Tom.