Il y a plus d'une semaine, lorsque le Centre national des ouragans a annoncé que Gustav pourrait menacer La Nouvelle-Orléans, le chef de la police a pris une décision inhabituelle: donner aux quelque 1500 policiers de la ville une journée de congés, payée, pour mettre leur famille à l'abri.

C'est une des leçons de l'ouragan Katrina, en 2005: des dizaines de policiers avaient purement et simplement abandonné leur poste, leurs collègues et leurs concitoyens, laissés à la merci des pillards et délinquants. Certains de ces policiers furent qualifiés de lâches, et plusieurs dizaines d'entre eux furent limogés.

Beaucoup expliquèrent qu'ils étaient confrontés à un terrible dilemme: s'occuper en priorité d'étrangers ou de leur famille. «C'est à double tranchant: c'est vos collègues, ou votre famille. Et à chaque fois, je choisirai ma famille», dit Carolyn Dalton. Restée à son poste lors de l'ouragan Katrina, elle avait confié ses deux fils à sa mère avant que la tempête frappe. Elle a refait la semaine dernière le même déplacement, avant de revenir reprendre son service à La Nouvelle-Orléans.

Mais elle se refuse à juger ceux de ses collègues qui ont fait un autre choix il y a trois ans. «Je connais plusieurs policiers qui ont été renvoyés. C'était de sacrés bons flics», dit-elle.

Le nombre d'abandons de postes, d'abord estimé à plusieurs centaines, fut par la suite révisé à la baisse. Nombre de policiers étaient en fait bloqués quelque part en ville, sans moyen de signaler leur présence ou de se déplacer. Un système de communications radio antique et défaillant, conjugué aux dégâts de la tempête, avait empêché les différents commissariats de communiquer entre eux ou avec les différents services de secours.

Certains commissariats ne disposaient pas de bateaux pour se déplacer dans les rues submergées après la rupture des digues, et plus de 300 véhicules furent balayés par les flots. Dans les semaines qui suivirent, départs en retraite anticipée, suicides et dépressions achevèrent de miner la police de La Nouvelle-Orléans, qui perdit au total près d'un tiers de ses effectifs. Quelques policiers passèrent de l'autre côté de la barrière, se livrant à diverses exactions et vols, et l'image du New Orleans Police Departement (NOPD) en fut écornée.

Si le NOPD comporte encore certains «mauvais éléments» qui doivent être écartés, la police de la ville «fait globalement du bon boulot», estime toutefois Danatus King, président de l'antenne locale de l'Association nationale pour l'avancement des personnes de couleur (NAACP, plus ancien mouvement américain de défense des droits civiques).

Cette fois, 1.500 soldats de la Garde Nationale ont été déployés en renfort en prévision de Gustav, et d'éventuelles défections. Un nouveau système de communications a été mis en place et tous les districts ont été dotés de bateaux, tandis que les véhicules ont été mis à l'abri dans des garages surélevés. «Le chef de la police a fait tout ce qui est possible pour s'assurer que les policiers resteront en poste», résume Bob Young, porte-parole du NOPD.

Coéquipier de Carolyn Dalton, John Blatcher, au NOPD depuis 16 ans, a «beaucoup d'admiration pour les policiers qui sont restés en poste» en 2005. «Je ne pourrais pas vous dire ce que je ferais dans ce cas, ne pas savoir où est ma famille», dit-il. «On ne peut pas faire son boulot correctement quand on s'inquiète de savoir où elle est, quel que soit ce travail».