Se défendant d'avoir versé de l'argent pour la libération des otages, l'armée colombienne a diffusé vendredi une vidéo enregistrée pendant l'opération de sauvetage dans la jungle, où l'on peut notamment voir Ingrid Betancourt et ses camarades verser des larmes de joie à bord d'un hélicoptère en apprenant qu'ils sont libres.

Cette vidéo d'une durée de trois minutes, tournée par des soldats colombiens se faisant passer pour des journalistes au cours de l'opération de libération et diffusée au QG de l'armée, montre tout d'abord les otages au sol, dans une clairière de la jungle, gagnant l'hélicoptère, les mains attachées avec de menottes en plastique, furieux alors qu'ils pensent être transférés dans un autre camp rebelle.

La caméra zoome sur l'Américain Keith Stansell. «J'aime ma famille», dit Stansell, l'un des trois Américains libérés, à l'adresse du cameraman. Le commandant des FARC «César» refuse de s'adresser à la caméra. En revanche, un otage s'en approche de lui-même, expliquant qu'il est le sous-lieutenant Raimundo Malagon, «de la glorieuse armée nationale de Colombie», «enchaîné depuis dix ans».

En présentant le document, le ministre colombien de la Défense Juan Manuel Santos a expliqué que la «mise en scène» de l'opération avait été inspirée par deux remises d'otages précédentes, en janvier et en février grâce à la médiation vénézuélienne.

«Lors des deux dernières remises d'otages, il y avait toujours un cameraman fourni par (le président vénézuélien Hugo) Chavez», a-t-il indiqué. En outre, les hélicoptères ayant ramené les six otages, dont Clara Rojas, l'ancienne directrice de campagne d'Ingrid Betancourt, étaient vénézuéliens et transportaient du personnel de la Croix-Rouge internationale.

Poussant le réalisme à l'extrême pour ce «transfert» officiellement réalisé par une organisation humanitaire, les soldats-acteurs se sont faits passer -faux accent compris- pour des délégués australien, italien, un autre pour un arabe et un dernier imitant l'accent des Caraïbes. Deux autres se faisaient passer pour des membres des FARC chargés de superviser le transfert, ont précisé les militaires.

Me Rodolfo Rios, l'avocat du responsable des FARC Gerardo Aguilar, alias César, a par ailleurs expliqué à l'Associated Press que son client, actuellement emprisonné à Bogota, avait été totalement dupé par cette mise en scène et que l'opération n'était donc pas un montage. «Il m'a aussi raconté qu'il avait été frappé» lorsqu'il a été maîtrisé, a ajouté Me Rios.

Le moment où les guérilleros escortant les otages sont maîtrisés n'a pas été filmé, ont affirmé les militaires.

En revanche, les dernières images de la vidéo montrent les otages se rendant compte de ce qui est en train de se produire: quelqu'un leur dit que «c'est terminé», qu'ils sont enfin «libres». La joie des captifs, riant et pleurant à la fois à bord de l'hélicoptère -après une décennie de calvaire dans la jungle pour nombre d'entre eux- a été immortalisée.

«Ca fait dix ans qu'on attend, dix ans qu'on attend l'armée», hurle le militaire William Pérez, enlevé en mars 1998, serrant contre lui Ingrid Betancourt, l'ancienne candidate à la présidentielle colombienne enlevée en février 2002, radieuse et l'embrassant.

Le ministre Santos a démenti que les infiltrés aient imité la voix de Jorge Briceno, alias «Mono Jojoy», un des chefs des FARC, pour induire les guérilleros en erreur. Tout comme il a démenti le versement d'une quelconque rançon ou rétribution. «Vingt millions de dollars, ç'aurait été bon marché, parce que nous avions offert jusqu'à 100 millions» pour tout déserteur des FARC qui livrerait dans le même temps des otages.

Il a également réfuté des informations diffusées dans des médias internationaux selon lesquelles des Israéliens auraient participé à l'opération, assurant que cette mission était «100% colombienne». «Pas un seul étranger n'y a participé», a-t-il assuré.

M. Santos a précisé que les autorités américaines avaient été informées dix jours avant l'opération dans le cadre d'un accord entre le président Alvaro Uribe et son homologue américain George W. Bush.