Une reconnaissance par Moscou de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud serait un sérieux retour de bâton pour les Européens après la déclaration d'indépendance du Kosovo, mais elle ne serait pas sans risque non plus pour la Russie, selon les analystes.

La chambre haute du Parlement russe doit se réunir lundi en séance extraordinaire pour discuter de la reconnaissance des deux régions géorgiennes séparatistes soutenues par Moscou.

Alors que les Occidentaux manquent de moyens pour faire respecter l'intégrité territoriale de la Géorgie, pays qui souhaite rejoindre l'OTAN, la Russie a de son côté démontré sa détermination en s'enfonçant jusqu'à une trentaine de kilomètres de Tbilissi, après la tentative de la Géorgie de reprendre le contrôle de ses deux provinces rebelles.

Pour se justifier, Moscou souligne que la France, la Belgique ou les États-Unis sont déjà intervenus militairement à l'étranger pour venir en aide à des ressortissants en danger.

Les dirigeants russes mettent également en avant l'exemple du Kosovo, province albanaise de Serbie qui a autoproclamé son indépendance en février et qu'une vingtaine de pays de l'Union européenne a depuis lors reconnue, contre l'avis de Moscou.

«Avec la reconnaissance du Kosovo, on a ouvert la boîte de Pandore», a souligné en pleine crise russo-géorgienne le représentant permanent de la Russie auprès de l'OTAN, Dmitri Rogozine.

Les Occidentaux rejettent la comparaison, le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Jaap de Hoop Scheffer, expliquant encore cette semaine que le Kosovo, longtemps géré par l'ONU, avait une «trajectoire spéciale».

«Sans l'affaire de l'indépendance du Kosovo, je ne pense pas que l'on serait rentré dans une telle accélération de l'histoire» en Géorgie, souligne pour sa part Alain De Neve, de l'Institut royal supérieur de Défense de Belgique.

«Les opposants à la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo craignaient surtout que cela déclenche une série de déclarations d'indépendance, mais cela a provoqué l'intervention d'un État, la Géorgie, qui voulait conserver le contrôle sur l'ensemble de son territoire», explique Alain De Neve.

«Dans la démarche russe, il y a comme toile de fond le comportement des Occidentaux au Kosovo, qui ont lancé en 1999 une opération militaire sans mandat des Nations unies et reconnu en début d'année son indépendance en dépit de leur opposition», estime également Thomas Gomart, de l'Institut français des relations internationales (IFRI).

Pour autant, Moscou va sans doute réfléchir avant de reconnaître l'indépendence de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, selon le chercheur.

«On expliquait la position de la Russie sur le Kosovo par le souci de ne pas encourager les velléités indépendantistes au sein de la Fédération de Russie, du type Tchétchénie. Ils ont plutôt intérêt à maintenir une situation pas claire (dans les deux régions), qui leur permet d'intervenir quand ils le souhaitent», explique Thomas Gomart.

«La Russie ne peut pas espérer être suivie par beaucoup de pays si elle reconnaît l'indépendance des deux régions. De leur côté, les Occidentaux ne trouvent pas de moyens de pression efficaces sur Moscou. Le plus probable, c'est que le conflit soit à nouveau gelé et qu'à plus long terme, il faudra un accord entre les membres permanents du Conseil de sécurité, dans un cadre de négociation plus global, pour espérer une solution», résume Bruno Coppieters, professeur à l'université flamande VUB.