À la consigne ou dans le bac de recyclage ? Un rapport qui sera rendu public aujourd'hui démontre qu'il est possible d'obtenir à grande échelle du verre très peu contaminé et de lui donner une deuxième vie en améliorant les opérations des centres de tri existants. Une avancée critiquée par les partisans de la consigne qui souhaitent agir au-delà d'une seule réutilisation. Explications.

Éco Entreprises Québec (EEQ) affirme avoir démontré la capacité des centres de tri à recycler 100 % du verre si des améliorations étaient apportées aux systèmes en place. Les résultats d'un projet-pilote de 12,2 millions mis en place en 2016 dans cinq centres de tri du Québec démontrent la possibilité d'obtenir un verre pur à 97 %. Il s'agit d'une augmentation considérable, puisque les échantillons analysés antérieurement au projet indiquaient un taux de contamination de 30 %.

L'obtention d'un verre plus pur et, conséquemment, une augmentation de sa valeur de revente, est attribuable à une meilleure filtration des impuretés présentes. Le projet-pilote d'EEQ incluait l'ajout d'appareils plus performants pouvant réduire le volume du verre, le trier selon sa granulométrie et retirer plus aisément les matières légères (déchets organiques, papier déchiqueté) qui se seraient glissés avec les morceaux de verre.

« Avec des résultats comme ça, on va pouvoir aller chercher de nouveaux marchés. La solution repose sur plusieurs débouchés, comme la laine minérale et les abrasifs, parce qu'avec un seul marché, on se retrouve à la merci d'un acheteur. » - Maryse Vermette, présidente-directrice générale d'Éco Entreprises Québec 

Au centre de tri de Grande-Rivière, en Gaspésie, 80 000 $ étaient dépensés annuellement pour envoyer 300 tonnes de verre à Montréal. Ces résidus étaient enfouis ou réutilisés comme laine isolante. Depuis deux ans, en réussissant à améliorer la pureté du verre, le centre a transformé ses pertes en profits. « On a ouvert des portes commerciales ici, en utilisant le verre en remplacement du gravier dans les sentiers, comme paillis dans les platebandes et dans les remblais, au lieu du sable », affirme la directrice générale de l'établissement, Nathalie Drapeau.

Cette réutilisation potentielle du verre laisse insatisfait Karel Ménard, directeur général de Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED).

« Avec ce système, le cycle se casse là, une fois que le verre est devenu un abrasif, il est utilisé une fois et il est perdu dans l'environnement à tout jamais. » - Karel Ménard, directeur général de Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets

M. Ménard précise également que la demande en abrasifs, filtres, laine isolante et autres n'est pas assez grande pour combler le potentiel volume de verre à recycler. Pour lui, la solution est sans équivoque : la consigne. « On pourrait faire du verre avec du verre sans utiliser de nouvelle matière comme le sable ! », ajoute-t-il.

La consigne : un circuit séparé

Pour pouvoir être utilisé plusieurs fois, le verre doit être pur ; il pourrait alors être fondu, puis remoulé. À Montréal, l'entreprise Owens-Illinois inc., une fonderie qui utilise du verre recyclé, avait sommé le gouvernement du Québec d'agir en 2015. Dans un communiqué, l'entreprise arguait de l'efficacité du système de consigne en place ailleurs en Amérique du Nord.

« Avec la consigne, il n'y a pas de contamination. En le gardant dans un système séparé, on crée une valeur. Juste là, on peut vendre le verre 15 $ la tonne », affirme Loïc Blancquaert, conseiller municipal à la Ville de Saint-Lambert.

Il s'est joint à 40 élus d'autant de municipalités du Québec pour défendre la consigne. 

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui compte 82 municipalités, est également de la partie pour exiger une collecte séparée, ce qui est désormais la norme partout au Canada, sauf au Québec et au Manitoba.

Maryse Vermette, présidente-directrice générale d'Éco Entreprises Québec, affirme qu'effectivement, la contamination est un enjeu avec une collecte unique, mais que le plan Verre l'innovation, proposé par son regroupement, a prévu une enveloppe pour sensibiliser la population. Elle ajoute également que la refonte du verre ne peut être envisagée comme seul débouché et souligne l'incapacité de refondre le verre foncé au Québec.

Volonté citoyenne

Selon Mme Vermette, 50 % des volumes de verre ne sont pas des bouteilles de vin ou d'alcool, et elle croit que les citoyens continueront d'envoyer dans leurs bacs un pourcentage important de contenants de verre. « Il va falloir investir de toute façon dans le tri », dit-elle.

Dans une dizaine de municipalités du Québec, le recyclage séparé du verre suscite déjà l'enthousiasme et semble satisfaire les citoyens. C'est le cas à Saint-Denis-de-Brompton, où l'engouement pour le projet a été important. L'entreprise 2M Ressources se fait livrer les résidus vitreux et les conditionne pour la fonderie Owen-Illinois, à Montréal.

Le transport du verre demeure un enjeu, mais son impact environnemental demeurerait positif. La transformation des bouteilles de verre affiche un bilan positif par rapport à son enfouissement, même lorsqu'un transport est nécessaire, et ce, dans un rayon de 2000 km, affirme un rapport de Recyc-Québec datant de 2015.

Le coût du verre

Éco Entreprises Québec estime, aujourd'hui, qu'il serait possible de recycler 100 % du verre mis dans nos bacs si des investissements d'environ 50 millions de dollars étaient effectués.

« On pense qu'on a une solution clés en main, réaliste, on veut servir de vitrine à l'international ! » - Maryse Vermette, présidente-directrice générale d'Éco Entreprises Québec 

La question des coûts n'est pas le noeud du problème pour certains partisans de la consigne « Les contenants de verre mis sur le marché, c'est une responsabilité élargie du producteur, ce n'est pas au consommateur de payer », affirme M. Ménard, directeur général du FCQGED. Il ajoute que la consigne s'autofinancerait grâce au coût gardé en dépôt sur chaque contenant. Pour ceux qui croient en ce dernier système, l'argument principal réside dans l'impact environnemental de la fabrication constante de matière neuve. Un flux réservé au verre permettrait la collecte de la matière pure afin qu'elle soit fondue à nouveau.