Gravity, tourné et produit à Londres et 12 Years a Slave réalisé par le britannique Steve McQueen avec son compatriote Chiwetel Ejiofor dans le rôle principal, ont remporté à eux deux dix Oscars dimanche, signe de la vitalité du cinéma «made in Britain».

«Notre industrie continue de jouer dans la cour des grands», a jugé lundi Amanda Nevill, PDG du British Film Institute (BFI), l'équivalent du CNC français.

Un avis partagé par le producteur américain, Harvey Weinstein qui saluait dimanche «la meilleure période que j'ai vue pour l'industrie cinématographique britannique».

«Vous avez des dirigeants talentueux qui font des films intelligents qui marchent commercialement», a-t-il dit, dans une entrevue à l'Observer, pour expliquer cette réussite.

Et le succès ne s'arrête pas aux dix Oscars: deux autres films à l'ADN britannique figuraient parmi les neuf retenus pour le prix du meilleur film: Philomena réalisé par l'anglais Stephen Frears avec ses compatriotes Judi Dench et Steve Coogan - également scénariste et producteur - et, dans une moindre mesure, Captain Phillips, avec Tom Hanks dans le rôle titre, réalisé par le britannique Paul Greengrass, mais financé par des producteurs américains.

Industrie mondialisée

Dans cette industrie mondialisée, il est difficile de donner une nationalité unique aux films. La règle veut qu'un film porte la nationalité du ou des pays qui le financent.

Avec le Britannique Chiwetel Ejiofor et surtout le réalisateur londonien Steve McQueen, formé dans les meilleures écoles d'art londoniennes et qui a tourné et financé ses deux premiers films sur les rives de la Tamise, 12 Years a Slave est perçu comme un succès authentiquement anglais.

Même si ce drame historique, qui traite de l'esclavage aux États-Unis, a été tourné à la Nouvelle-Orléans et est essentiellement financé par la maison de production de l'acteur américain Brad Pitt.

Gravity s'est vu attribuer le label britannique parce qu'il a été tourné et financé au Royaume-Uni, même si son réalisateur est mexicain - installé à Londres - et ses acteurs, américains.

Cette odyssée spatiale a raflé la majorité des Oscars techniques (effets spéciaux, son, mixage, montage, musique et photographie), consacrant l'excellence des spécialistes britanniques.

«La qualité incroyable du savoir-faire et la sophistication de l'industrie cinématographique britannique ont rendu ce film possible», a salué le réalisateur Alfonso Cuaron, Oscar du meilleur réalisateur, remerciant spécifiquement l'entreprise londonienne d'effets spéciaux Framestore.

Londres compte en effet, entre les bars gais et les restaurants branchés du quartier de Soho, six des huit plus grosses sociétés d'effets visuels.

4,6 milliards de livres

Pour le storyboarder français Sylvain Despretz, qui a notamment dessiné à Londres les séquences des films Gladiator, Eyes Wide Shut ou Harry Potter, le succès de l'industrie britannique, et surtout des effets spéciaux, repose sur «des décisions judicieuses et des logiques économiques simples».

«Londres a la bonne taille, travaille dans la bonne langue et parvient à conserver assez de talents parce qu'elle est à la croisée des chemins entre le cinéma, la télévision, la publicité et les clips musicaux destinés au monde entier», a-t-il expliqué à l'AFP.

«Du coup Londres a toujours du travail, il n'y a pas de temps mort», ajoute-t-il, précisant que «la moitié des spécialistes des effets spéciaux à Londres sont français».

Pour le BFI, les recettes du succès reposent sur un système d'aides fiscales attractif, des investissements dans la formation des techniciens et l'écriture de scénario, le rôle de Film4 et de BBC Film, les départements production des chaînes Channel 4 et BBC, et la présence d'infrastructures de premier ordre comme les studios Pinewood.

L'industrie britannique, qui pèse désormais chaque année 4,6 milliards de livres dans l'économie du pays, a ainsi attiré 870 millions de livres d'investissements étrangers dans des films tournés en Grande-Bretagne en 2013, selon le BFI.

Revers de la médaille: le financement des films indépendants britanniques a lui chuté de 40% entre 2012 et 2013, passant de 247 à 152 millions de livres, selon les chiffres officiels.

«Nous faisons partie de l'industrie mondiale du cinéma mais avec un accent britannique», a déclaré à l'AFP une porte-parole du BFI.

Pour elle, «des films comme Philomena ou The Invisible Woman n'essayent pas de copier Hollywood. Ce sont des histoires britanniques racontées avec une sensibilité toute british et le public mondial y est sensible».