Le cinéma québécois se porte bien et... il fait des petits. La nouvelle vague de réalisateurs et de scénaristes qui a pris d'assaut les plateaux depuis 10 ans a inspiré une génération d'apprentis cinéastes aujourd'hui plus nombreux en formation sur les bancs des cégeps et des universités.

Le travail des réalisateurs âgés de 35 à 45 ans, dont Philippe Falardeau (Congorama), André Turpin (Un crabe dans la tête), François Girard (Le violon rouge), Denis Villeneuve (Maëlstrom), Louis Bélanger (Post mortem), Ricardo Trogi (Québec-Montréal), Francis Leclerc (Mémoires affectives), Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y.), a donc eu un effet d'entraînement.

«Depuis cinq ou six ans, la demande s'accroît. On a dû créer un profil cinéma dans le réseau des cégeps. À Gatineau seulement, nous comptons plus d'une centaine d'élèves qui aspirent à faire du cinéma leur métier. Le nombre d'inscriptions au profil a évidemment beaucoup à voir avec l'engouement que le cinéma québécois génère depuis une bonne dizaine d'années», mentionne, par exemple, le professeur en cinéma du cégep de l'Outaouais et directeur du livre Le cinéma au Québec: Tradition et modernité (Fides, 2006), Stéphane-Albert Boulais.

Preuve que le programme donne des résultats: deux de ses anciens élèves, Claude Lalonde et Pierre Lamothe, ont notamment signé le scénario des 3 p'tits cochons, réalisé par Patrick Huard.

Cosmos: un tournant

De l'avis du producteur Luc Déry (dont la boîte micro_scope a raflé les Jutra du meilleur film pour Congorama, en 2007, et Continental, un film sans fusil, cette année), le projet Cosmos, qui a réuni Jennifer Alleyn, Manon Briand, Marie-Julie Dallaire, Arto Paragamian, André Turpin et Denis Villeneuve dans un film collectif, en 1996, a marqué un tournant dans l'industrie, donnant le signal que le cinéma québécois était prêt à faire une place à la relève.

«Ce film-là a permis à six jeunes réalisateurs de se faire voir et entendre. C'est à partir de ce moment que Manon Briand, Denis Villeneuve et André Turpin, entre autres, se sont lancés dans l'aventure de tourner leur premier long métrage (2 secondes, Un 32 août sur terre et Un crabe dans la tête, respectivement). Pour ma part, c'est là que j'ai compris qu'un changement important s'opérait et que j'avais ma place dans le milieu», explique le producteur de 45 ans.

Bien que des vieux routiers de la trempe de Denys Arcand (L'âge des ténèbres), de Bernard Émond (Contre toute espérance) ou de Fernand Dansereau (La brunante) persistent et signent, le changement de la garde a bel et bien eu lieu. Et, avec la venue de nouveaux programmes d'étude, la relève risque fort de continuer à pousser pour se faire une place.

Question de budget et d'équilibre

Le financement des films demeure néanmoins, au dire de Luc Déry, le plus grand défi à relever par le milieu et pour la relève dans les années à venir. «Le cinéma coûte de plus en plus cher à faire et les fonds disponibles, que ce soit auprès de Téléfilm Canada ou de la SODEC, n'augmentent pas. Nous sommes de plus en plus nombreux autour de la même tarte, à essayer d'obtenir une pointe», soutient le producteur.

Dans cette optique, son rôle de producteur devient ainsi d'autant plus important, puisque c'est lui qui doit dès lors oeuvrer à compléter le financement de ses projets en cherchant de l'argent ailleurs. Ainsi, pour permettre à Philippe Falardeau de tourner Congorama comme il le voulait, Luc Déry a dû convaincre des partenaires belges et français d'investir 1,5 million.

Selon Stéphane-Albert Boulais, les organismes subventionnaires ont réussi à trouver un sain équilibre entre les productions grand public et les films d'auteur, mais ils doivent maintenant faire leur part pour la relève. «C'est à Téléfilm Canada et à la SODEC de faire leur travail pour s'assurer que la relève qui s'en vient puisse aussi, un jour, se faire voir et entendre, parce qu'elle est bourrée de talent», dit-il.