Il fallait être drôlement culottés pour oser tourner un film autour d'un Québécois se trouvant mêlé, même de loin, au complot visant l'élimination du président américain John F. Kennedy. Culottés, mais aussi entêtés : le financement du film n'a pas été aisé à obtenir et les producteurs Fabienne Larouche et Michel Trudeau ont dû sortir un million de dollars de leurs poches pour le concrétiser. Culottés et solidement documentés, surtout, pour mettre en scène autant de personnages réels.

Larouche voulait ancrer, grâce au personnage de Rivard, le Québec au continent nord-américain. Le film qui en découle, brillamment réalisé par Charles Binamé, peut prétendre faire la même chose. Il sera intéressant de voir, quand - et si - les ententes avec des distributeurs étrangers seront signées, comment le public américain réagira à ce long métrage québécois qui se permet de formuler une autre thèse sur les événements de novembre 1963...

Bien sûr, des productions telles C.R.A.Z.Y., La Grande Séduction, Les Invasions barbares ont trouvé des échos dans le monde de par l'universalité de leurs propos, notamment. Il y a aussi eu Un dimanche à Kigali et J'ai serré la main du diable, deux productions québécoises qui se sont penchées sur le génocide rwandais.

En proposant une relecture des événements ayant mené à l'assassinat de JFK, Le Piège américain aspire pourtant à une américanité à laquelle peu de longs métrages québécois ont pu prétendre auparavant.

De plus, le scénario du duo Larouche-Trudeau soulève, au-delà de l'hypothèse pour le moins fascinante - et qui provoquera sans aucun doute plusieurs discussions enflammées sur le sujet ! - d'autres questions. L'une des plus intéressantes - et non la moindre : pourquoi Lucien Rivard, après avoir purgé 10 ans de pénitencier aux États-Unis pour trafic d'héroïne et reconnu comme une figure clé du milieu criminel au pays, n'a-t-il jamais été interrogé dans le cadre de la Commission d'enquête sur le crime organisé (CECO)? Se pourrait-il que, pendant tout ce temps - et à l'instar du personnage fictif de Maurice Bishop dans le film - il ait lui-même été un agent à la solde des autorités? Le mystère, à ce chapitre, demeure entier.

Petit conseil : pour pleinement apprécier Le Piège américain, qui sortira en salle vendredi prochain, je vous suggère de lire un peu sur Lucien Rivard, Lee Harvey Oswald, Jack Ruby, la commission McClellan, la French Connection et Paul Mondolini, entre autres. Se familiariser avec tous ces noms vous aidera sûrement à ne pas perdre le fil de cette histoire montée comme un casse-tête que la mordue de politique fiction en moi savoure encore.