Ce soir, Claude Meunier sera flanqué du producteur Roger Frappier et du réalisateur Alain Chartrand afin de répondre aux questions du public qui assistera à une projection sur grand écran de la version restaurée de Ding et Dong, le film. En 1990, cette comédie populaire - 372 221 spectateurs en salle - a finalement marqué la seule incursion cinématographique du célèbre duo, formé de Serge Thériault et de Claude Meunier. Retour sur l'histoire d'un film à succès.

L'idée

Claude Meunier:

«Serge et moi voulions faire un film depuis longtemps. D'autant qu'à cette époque, nous étions beaucoup en tournée, à présenter 200 spectacles par an, sinon plus. Je connaissais Roger [Frappier], car j'avais écrit un court métrage avec Louis Saïa, intitulé Voyage de nuit, dont il avait signé la réalisation. J'ai d'ailleurs écrit le scénario de Ding et Dong, le film en pensant que Roger le réaliserait, mais il est devenu producteur. Plusieurs réalisateurs ont été pressentis, dont Denys Arcand! Denys est un ami de longue date, qui riait beaucoup quand il venait voir nos shows. Il n'a finalement pas réalisé le film, mais il a agi à titre de consultant au scénario.»

Roger Frappier:

«Claude et moi avons été voisins dans la rue Mentana. Nous prenions notre café tous les matins dans les marches d'escalier à l'époque. Forcément, l'idée d'un film est venue très vite. J'avais encore le goût de réaliser - je l'ai toujours, d'ailleurs! -, mais mon métier de producteur avait fini par prendre le dessus. Nous avons rencontré plusieurs réalisateurs, mais j'ai trouvé que l'approche d'Alain [Chartrand] était très groundée par rapport à la comédie et à l'action. Claude et lui se sont bien entendus. Il a fait de l'excellent travail.»

Alain Chartrand:

«Roger Frappier m'a appelé, car il avait beaucoup apprécié mon film Des amis pour la vie. Je suis allé à une rencontre pendant laquelle nous avons discuté Claude, Serge [Thériault], lui et moi. Le lendemain, il me rappelait pour m'offrir la réalisation de Ding et Dong, le film. Cela a été un peu compliqué, car j'ai dû abandonner la production de Nelligan, qui était alors en développement. Je me suis dit que j'avais probablement là l'occasion de faire le seul film populaire de ma vie. Dans le scénario original, la deuxième partie était cependant moins convaincante à mes yeux. J'ai demandé à Claude d'essayer de trouver autre chose et il est arrivé avec cette idée de faire de Ding et Dong les propriétaires d'un théâtre. Cela leur permettait de parodier le "milieu culturel avec un grand K".»

Le tournage

Alain Chartrand: 

«De mon côté, ce fut un tournage difficile, car il fallait trouver le ton juste. Et puis, je me retrouvais entre Claude, à la fois auteur et acteur, et Roger, un grand producteur. Faire valoir ses idées face à deux créateurs comme eux n'est pas toujours aisé. Je trouvais important que l'amitié qui lie Ding et Dong soit au coeur du film. Sur le plan technique, c'est sûr qu'il a fallu faire un découpage élaboré. La scène de la cascade comporte 70 plans à elle seule. Il y en a évidemment plus dans Bon Cop, Bad Cop, mais à l'époque, c'était plutôt inhabituel. Et comme les deux parlent pratiquement toujours ensemble, il fallait toujours laisser le champ ouvert pour les voir en même temps.»

Claude Meunier: 

«J'en garde le souvenir d'un travail intense, mais aussi d'un plaisir intense. Pour nous, l'idée même de faire du cinéma était fabuleuse. Ça nous donnait l'occasion d'emmener Ding et Dong ailleurs, dans des zones un peu plus "jouées". En revoyant le film récemment, je me suis aperçu que mes influences profondes remontent au cinéma des Marx Brothers. Il y a plus de leur esprit dans Ding et Dong, le film que dans La petite vie, qui était davantage un portrait de société. Les dialogues des Marx Brothers étaient complètement champ gauche et Ding et Dong, c'était un peu ça aussi: des répliques complètement loufoques et absurdes, mises dans un contexte réaliste.»

Roger Frappier: 

«Dès la première journée, nous avons eu de la difficulté parce que l'équipe riait trop. Mais après trois ou quatre prises, l'effet s'étiolait. Claude s'en inquiétait et ressentait le besoin de trouver des gags pour faire rire les gens de l'équipe de nouveau. Il a fallu lui expliquer qu'il était important de s'en tenir au scénario parce qu'autrement, on ne pourrait jamais se rendre jusqu'au bout! Le tournage s'est par ailleurs fort bien déroulé et on a pu réaliser des choses que nous ne pourrions probablement plus faire de nos jours. Comme fermer la rue Saint-Charles à Longueuil pendant cinq jours! Cette scène de cascade et de poursuite reste l'un des grands moments de ma vie de producteur.»

Photo Patrice Laroche, Archives Le Soleil

«De mon côté, ce fut un tournage difficile, car il fallait trouver le ton juste. Et puis, je me retrouvais entre Claude, à la fois auteur et acteur, et Roger, un grand producteur. Faire valoir ses idées face à deux créateurs comme eux n'est pas toujours aisé», raconte le réalisateur Alain Chartrand.

L'accueil

Roger Frappier: 

«On ne s'attendait pas à un tel clivage entre le public et la critique. Je ne sais pas si cela a eu une influence, mais la grande première devait avoir lieu au Théâtre Maisonneuve. Or, à cause d'une grève, nous avons dû tout annuler à trois jours d'avis et l'organiser plutôt dans les deux salles du cinéma Le Dauphin [le Beaubien]. Nous n'avions pas programmé de projections destinées à la presse et je crois que la critique était un peu crinquée d'avance. Je sais que Claude a eu très mal. Le succès populaire du film n'a pas épongé sa douleur. Je me souviens d'avoir fait la tournée des salles le premier jour où il était à l'affiche et des gens que je croisais dans les stationnements me disaient de ne pas me rendre à la salle pour rien, que c'était déjà complet. Pour moi, c'était de la musique à mes oreilles!»

Claude Meunier: 

«Je voulais écrire un film au rythme très rapide, avec des ellipses. Aujourd'hui, c'est la norme, mais pas à l'époque. De sorte que des gens du public me l'ont reproché en disant que tout ça allait trop vite. Quant à la critique, elle n'a pas du tout été de notre côté. Mais ça, c'est l'histoire de ma vie! Au tout début, aux Lundis des Ha! Ha! au Club Soda, nous avons eu de bonnes critiques, mais on s'est fait ramasser dès notre premier show. Lors de la sortie du film, j'ai vécu ça très difficilement. J'ai l'impression que les gens attendaient autre chose. Il y a aussi qu'il est très difficile de passer d'un milieu à l'autre. Les gens de cinéma m'attendaient avec une brique et un fanal autant que les gens de théâtre quand je me suis mis à écrire des pièces, parce que j'étais considéré comme un gars de "variétés". Cela dit, le film n'est pas parfait non plus, mais il y a des scènes très drôles. De jeunes humoristes ont récemment fait une relecture des dialogues à la Cinémathèque québécoise et c'était vraiment hilarant.»

Alain Chartrand: 

«J'ai dit à Claude qu'il n'avait pas besoin de se déguiser pour aller voir ce qui se passait dans les salles, car il y avait des files partout. La critique a rarement apprécié la comédie populaire. Honnêtement, je ne peux pas me plaindre, car j'ai été passablement épargné sur ce plan. Quand les critiques parlaient de la mise en scène et des cascades, je m'en tirais généralement plutôt bien.»

Photo fournie par Max Films

«Je me souviens d'avoir fait la tournée des salles le premier jour où il était à l'affiche et des gens que je croisais dans les stationnements me disaient de ne pas me rendre à la salle pour rien, que c'était déjà complet. Pour moi, c'était de la musique à mes oreilles!», se rappelle le producteur Roger Frappier.

Le bilan 

Claude Meunier: 

«Je suis très content du film, mais je me dis que j'aurais peut-être dû écrire un scénario plus structuré. J'aurais aimé en faire un deuxième avec Ding et Dong, mais la vie nous a entraînés ailleurs. Ce qui reste de tout ça est très positif. Ce film constitue un super beau souvenir, on a eu du fun à le faire, et il a bien traversé le temps.»

Roger Frappier: 

«Ding et Dong, le film est aujourd'hui un film culte. Curieusement, je suis venu au cinéma par deux avenues complètement différentes. La Nouvelle Vague d'un côté, les comédies américaines de l'autre. Je pouvais voir un film de Jerry Lewis le matin et un film de Jean-Luc Godard le soir. Si je n'avais pas rencontré Claude, je n'aurais probablement jamais eu l'occasion de produire ce genre de film. Je suis très heureux de l'avoir fait. D'autant qu'il fait maintenant partie des incontournables de la cinématographie québécoise. J'ai le projet de faire une belle sortie DVD bientôt.»

Alain Chartrand: 

«Ce film m'a beaucoup fait progresser en tant que réalisateur. Il a même remporté la Bobine d'or du film le plus populaire au Canada cette année-là. Je rencontre encore aujourd'hui des gens qui connaissent toutes les répliques du film par coeur!»

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Ding et Dong, le film sera présenté le ce soir, à 19 h, à la Cinémathèque québécoise dans le cadre de la série Éléphant sur grand écran.

Photo fournie par la Cinémathèque

Ding et Dong, le film a remporté la Bobine d'or pour le plus grand nombre d'entrées enregistrées au Canada en 1991.