Le tournage de la suite de la superproduction québécoise De père en flic, dont la sortie est prévue quelque part en 2017, tire à sa fin. La Presse a visité mercredi le site des anciens ateliers du CN dans un secteur industriel de Pointe-Saint-Charles, où quelques scènes sont tournées.

Des bourrasques de poussière s'élèvent sur le terrain vague, où sont éparpillés des monticules de gravier.

Une voiture accidentée repose sur le sol, à l'envers, devant une « pépine ».

Trois voitures de patrouille du Service métropolitain sont garées autour, entourées de quelques policiers et d'une douzaine d'ouvriers de la construction vêtus de leurs dossards orange.

Au milieu de ce décor très contemporain, le commandant Jacques Laroche (Michel Côté) et son fils Marc (Louis-José Houde) s'engueulent après une arrestation, sous les yeux de leurs collègues impassibles Alice (Karine Vanasse) et Kev (Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques).

« Vous autres, là, depuis qu'il y a des téléphones cellulaires partout qui vous filment, vous chiez dans vos culottes. Quand bien même qu'il y aurait deux, trois altermondialistes végétariens qui vont cliquer "chou" sur Facebook, on peut-tu s'en crisser pis faire notre job ! »

- Le commandant Jacques Laroche (Michel Côté) dans de De père en flic 2

« Cliquer "chou" sur Facebook ? Mesdames et messieurs, le lieutenant jambon du bridage des tarlas ! », réplique du tac au tac le fils en colère.

À première vue, rien n'a vraiment changé. La relation entre le père et le fils demeure tendue et les coups de gueule à saveur intergénérationnelle - qui ont fait le charme du premier film - ponctuent le proverbial char de bêtises. « T'as besoin de te sentir vivant ? T'as besoin d'un hobby ? Ben, si c'est ça, tu peux faire de l'aquaforme ou de la pétanque ! », enchaîne Marc, après avoir comparé son père au bassiste de Simple Plan, à cause de son avant-bras tatoué, de ses cheveux teints et de son chandail noir serré.

« Ton ton fait tellement 2009, on est plus là, on est ailleurs ! », sermonnera le paternel, qui semble s'être offert un coup de jeunesse à l'aube de la retraite.

Mais le commandant Laroche a bien raison : des océans ont coulé sous les ponts depuis 2009, date de sortie du premier film. Les choses auraient d'ailleurs pu en rester là. Après tout, le premier film, un succès commercial, finissait en beauté.

Pour sauver un confrère et obtenir les aveux de l'avocat d'un bonze du crime organisé, Marc et Jacques s'étaient enrôlés dans une thérapie père-fils. Au générique, Marc était devenu un homme et son père était enfin fier de lui.

ÉMILE GAUDREAULT, PERFECTIONNISTE

Le réalisateur Émile Gaudreault le confesse lui-même : jamais il n'avait envisagé une suite.

Enfin, jusqu'au jour où... « Je faisais du jogging en cherchant une idée de film. C'est là que j'ai pensé aux thérapies de couple. J'ai écrit cinq pages là-dessus que j'ai envoyées à Michel et Louis-José. On est allés manger ensuite », raconte le réalisateur, qui admet avoir pris de l'expérience depuis le film original, notamment en réalisant les comédies Le sens de l'humour et Le vrai du faux. « Je deviens plus maniaque à tous les niveaux. Au-delà de la confiance, une conscience s'installe. Je ne tiens rien pour acquis, mais je travaille chaque scène le mieux possible », explique le réalisateur.

Facile de le croire en le voyant reprendre à répétition - et de tous les angles possibles - la scène de la virile prise de bec entre Marc et Jacques. Des heures de tournage pour environ une minute du film. « C'est ça, le drame de la comédie, ça nécessite beaucoup de travail pour trouver le bon rythme », admet Gaudreault.

En tout cas, personne ici ne semble lui reprocher son perfectionnisme, à commencer par le monumental Michel Côté. « Dans le premier, on avait tourné la scène de la bataille dans la boue pendant une journée et demie pour donner deux minutes. Il [Gaudreault] a toujours travaillé de cette façon-là et il s'améliore à chaque film », louange le comédien, qui a reçu la visite de son petit-fils Théo et de sa femme Véronique Le Flaguais. « Tiens ça pour papi, mais ne vise personne avec ! », lance-t-il au garçonnet, en lui tendant son revolver factice.

Conscient que la comédie fait rarement l'unanimité au cinéma, Michel Côté dit prendre son rôle à coeur, avec tout le professionnalisme qu'on lui connaît. 

« Les gens nous considèrent seulement sur la dernière chose qu'on a faite. Je recommence ma carrière chaque fois. »

- Michel Côté

Comme les acteurs principaux ont des horaires de ministres, il aura fallu attendre deux ans avant d'enclencher ce tournage estival, amorcé en juillet. « J'avais des réserves [à l'idée d'une suite] jusqu'à la lecture du scénario. Les personnages secondaires sont très qualifiés. Si on était au hockey, on dirait que l'équipe a beaucoup de profondeur », illustre Louis-José Houde, en employant une bonne vieille analogie sportive.

Un beau casse-tête logistique pour la production, qui doit gérer, en plus des figurants et des acteurs principaux, les agendas de Julie Le Breton, Mariana Mazza, Sonia Vachon, Diane Lavallée, Martin Dubreuil, Mehdi Bousaidan, Hélène Bourgeois Leclerc, Yves Jacques et plusieurs autres.

KARINE VANASSE, ENTHOUSIASTE

Parmi cette talentueuse brochette, Karine Vanasse ne cachait pas son enthousiasme à l'idée de tourner sa première comédie et de retrouver Michel Côté sur un plateau, 12 ans après Ma fille, mon ange. « Le premier [De père en flic] était très drôle et efficace. On voyait tout de suite le doigté d'Émile Gaudreault et une sorte de rythme à l'américaine », constate Vanasse, qui personnifie la copine de Marc, dont le couple chancelant a - heureux hasard - besoin d'une thérapie de couple.

Entre les répétitions, des assistants tiennent des parapluies au-dessus de la tête des comédiens, pour les protéger du soleil de plomb et préserver leur maquillage. Les vents forts claquent contre la paroi des parapluies, sans oublier les nuages de poussière qui obligent tout le monde à périodiquement se protéger le visage.

Des conditions de tournage difficiles pour l'équipe de production, dans laquelle les femmes sont bien représentées, notamment grâce au travail de la directrice photo Geneviève Perron.

Malgré tout, l'ambiance reste bon enfant sur le plateau. Trop, parfois, ce qui force le réalisateur à remettre ses troupes à l'ordre. « Concentrez-vous, les gars, il vient d'y avoir une grosse poursuite ! »

La prise reprend aussitôt.

Puis une autre.

Et une autre.

UN MANQUE DE CRÉATIVITÉ ?

De père en flic, Bon Cop, Bad Cop, Nitro, Les 3 p'tits cochons : le festival de suites annoncées ou qui prennent l'affiche ces temps-ci traduit-il un manque de créativité ? Louis-José Houde pointe plutôt le hasard, expliquant que les suites sont assez rares au cinéma québécois, mais qu'elles débarquent sur nos écrans toutes en même temps.

Selon Karine Vanasse, la pertinence d'une suite dépend de chaque projet. Dans le film en chantier, elle n'apparaît pas forcée et s'impose par sa pertinence, croit-elle. Même son de cloche chez Émile Gaudreault, qui est d'avis que chaque film doit se défendre lui-même et nécessite tellement de travail qu'on finit par oublier qu'il s'agit d'une suite.

Seul Michel Côté s'autorise une note discordante, en précisant ne pas critiquer qui que ce soit. « Est-ce qu'on manque de scénaristes pour écrire ce genre de film là ? Je pose la question », s'interroge le comédien, qui ajoute que les critiques acerbes dirigées contre ce type de cinéma expliquent peut-être pourquoi les scénaristes, sur leurs gardes, optent pour une recette déjà éprouvée.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Louis-José Houde et Michel Côté reprennent les rôles de Marc et Jacques Laroche dans De père en flic 2 d'Émile Gaudreault.

Les personnages

LOUIS-JOSÉ HOUDE : Marc Laroche

Le jeune policier qui vivait dans l'ombre de son père a pris de l'assurance. Le conflit de générations persiste néanmoins, même si son père est au bord de la retraite. Le rôle de sa copine (jouée par Karine Vanasse) prendra plus de place que dans le premier film, où il fréquentait la distante Geneviève (Caroline Dhavernas), qui reprochait au policier de manquer « de viande ».« Il y aura de belles choses senties et différents niveaux d'émotion, mais ce ne sera pas un film moralisateur », promet l'humoriste, qui s'assume désormais comme acteur, après avoir décroché des rôles principaux dans quatre longs métrages. « J'ai toujours le syndrome de l'imposteur et il m'arrive de refuser des choses à cause de ça. J'embarque dans des projets où je pense pouvoir livrer la marchandise », résume-t-il.

MICHEL CÔTÉ : Jacques Laroche

Ce superflic de la vieille école aux méthodes peu orthodoxes se prépare à tirer sa révérence. Malgré tout, il arbore une forme olympique. « Il essaie de se garder jeune comme beaucoup de gens qui voient la fin arriver », commente Michel Côté, vêtu d'un t-shirt noir moulant aux manches légèrement roulées. Jacques s'entoure un peu mieux et cherche aussi l'amour, ajoute l'acteur. Son personnage est célibataire depuis la mort de sa femme il y a plusieurs années. Jacques va s'apercevoir que son fils sera là pour lui durant ses vieux jours, souligne également Émile Gaudreault, qui, comme dans le premier film, n'hésite pas à saupoudrer sa comédie de réflexions.Michel Côté souligne que plusieurs hommes lui ont confié avoir été interpellés par la figure paternelle qu'il incarne dans De père en flic, au même titre que dans C.R.A.Z.Y. « Beaucoup d'hommes m'ont dit : "J'ai pogné le message." »

KARINE VANASSE : Alice Cyr

Policière comme son chum Marc, la vie de couple n'est pas au beau fixe depuis un certain temps. Le travail prend beaucoup de place. Alice n'est toutefois pas seulement « la blonde de... » et possède une personnalité forte. La comédienne constitue d'ailleurs une belle prise pour le réalisateur. « J'ai pensé à elle tout de suite pour le rôle. Je cherchais quelqu'un capable d'accoter Louis-José », indique Émile Gaudreault. Sans vouloir copier son style, Karine Vanasse souligne avoir réécouté beaucoup de films de Meg Ryan pour se préparer à son rôle, notamment pour s'inspirer de sa spontanéité et de certaines réactions.

PHILIPPE-AUDREY LARRUE-ST-JACQUES : Kev

Le jeune humoriste semble jubiler comme un enfant qui reçoit son premier Big Wheel, debout au milieu de ses idoles. « Ça m'émeut. Louis-José, c'est à cause de lui que je fais de l'humour. Et t'essaies aussi d'apprendre au maximum quand t'as Michel Côté à côté de toi », confesse le néo-acteur, qui incarne Kev, le policier. « Je suis toujours avec Karine, Louis-José et Michel. J'essaie de profiter de l'expérience au maximum », ajoute le comédien de Like-moi, qui n'avait pas prévu jouer dans un film dans sa vie. « C'est un super accident ! », résume-t-il. Un accident couronné de succès, à entendre la troisième assistante Vanessa Beaulieu. « Tout le monde a découvert Philippe. À sa deuxième journée de tournage, il devait réciter un paragraphe et tout le monde riait », a-t-elle rapporté.