Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, ce film de gangsters très violent se distingue aussi grâce à son aspect politique.

Dès son premier long métrage, Chopper, drame biographique australien réalisé il y a plus de 10 ans, le cinéaste néo-zélandais Andrew Dominik s'est imposé grâce à son approche très crue, très brutale. The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford est venu plus tard confirmer la fascination du réalisateur pour les personnages troubles, mus par des pulsions violentes. Pour son troisième long métrage, Dominik propose cette fois une adaptation du roman de George V. Higgins, Cogan's Trade. Killing Them Softly (La mort en douce en version française) emprunte la forme d'un film de gangsters très violent, teinté toutefois de fortes connotations politiques.

«Dans mon esprit, l'un ne va pas sans l'autre, a indiqué l'auteur cinéaste au cours d'une rencontre de presse tenue à New York, plus tôt cette semaine. Les histoires d'organisations criminelles font toujours écho au système capitaliste. C'est d'ailleurs ce qui m'a sauté aux yeux à la lecture du livre de Higgins. On pouvait tracer tellement de parallèles entre l'époque dans laquelle se déroule le récit et la nôtre, qu'il m'a semblé tout naturel de transposer l'intrigue dans le climat de crise dans lequel nous vivons.»

Dominik a ainsi décidé de situer l'histoire en 2008 plutôt que d'être fidèle à l'époque décrite dans le roman, soit les années 70. Il y a quatre ans, une grave crise financière faisait des ravages aux États-Unis et ailleurs dans le monde. C'est aussi l'année où Barack Obama a été élu la première fois.

«Je ne suis pas un fou de politique, mais personne n'a pu échapper à la crise, précise le cinéaste. Aussi, je trouvais le phénomène fascinant. Nous avons été entraînés collectivement dans un même gouffre, alors que la philosophie du chacun-pour-soi est toujours mise de l'avant dans ce pays. Le capitalisme est un système où l'individu prime sur la collectivité. Aux États-Unis, c'est pire que partout ailleurs dans le monde!»

Brad Pitt, qui agit aussi à titre de producteur du film, se glisse dans la peau d'un homme de main à qui les caïds de la mafia font appel pour faire un peu de ménage dans les organisations criminelles. Il compte surtout retrouver les petits escrocs qui ont osé braquer des membres de haut rang de la mafia pendant une partie de poker. Absent de la rencontre de presse, l'acteur producteur avait néanmoins expliqué son intérêt lors d'une conférence de presse tenue au Festival de Cannes.

«En tant que producteur, j'aime appuyer des films plus difficiles à monter, a déclaré Brad Pitt. Des films comme ceux que fait Andrew. J'ai été intéressé par le fait que

Killing Them Softly commence comme un thriller, mais le récit aborde ensuite des thèmes beaucoup plus larges. Les oeuvres les plus intéressantes comportent toujours plusieurs dimensions.»

À ceux qui ont vu dans le film une critique virulente du régime Obama pendant le premier mandat, lequel a déçu plusieurs partisans, Brad Pitt répond qu'il s'agit plutôt d'une critique de la société américaine en général.

«Les responsables de la crise d'il y a quatre ans n'ont toujours pas payé pour leurs crimes, fait-il remarquer. J'étais à Chicago quand Barack Obama a été élu en 2008. Ce fut une soirée incroyable. Or, son discours d'unité n'a pas été entendu. Les Américains sont plus divisés que jamais. C'est un constat. Je ne voudrais pas que le film soit perçu comme une attaque d'aucune façon.»

Ray Liotta, vedette de Goodfellas, l'un des plus célèbres films de gangsters de l'histoire du cinéma, joue dans Killing Them Softly le rôle d'un type qui se fait tabasser. L'acteur n'a voulu tricher d'aucune façon. Et n'a pas été remplacé par des cascadeurs dans les scènes de passage à tabac. «Je n'en voyais pas l'utilité, a-t-il expliqué plus tôt cette semaine. Cela m'a parfois joué des tours, car ceux qui me tapaient n'avaient pas toujours la bonne technique. Mais je tenais à ce que les scènes soient le plus authentiques possible. Quand j'ai commencé ma carrière d'acteur, j'étais très entiché de la "méthode". Mais plus j'avance, plus j'apprends à m'abandonner. Moins on en fait, plus on est vrai. On s'aperçoit que tout devient plus facile quand on s'abandonne.»

Ray Liotta a aussi de bons mots pour le producteur du film. «J'admire la façon dont Brad Pitt mène sa carrière, dit-il. En plus d'être un acteur remarquable, Brad fait partie de ces rares personnalités qui parviennent à maintenir un statut de superstar pendant plusieurs années, tout en ne faisant pas de compromis sur leurs choix artistiques. Brad choisit toujours de bons films, même si ceux-ci ne fracassent pas nécessairement de records au box-office. Il n'a pas besoin de revêtir une cape de superhéros pour se faire valoir.»

Killing Them Softly (La mort en douce) est à l'affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Alliance Vivafilm.