Le groupe automobile français Renault espère tirer un trait sur le faux scandale d'espionnage qui l'ébranle depuis janvier, avec la démission lundi de son numéro deux, le débarquement de six autres responsables et l'indemnisation de trois cadres licenciés à tort.

Bras droit de Carlos Ghosn, le PDG de Renault, Patrick Pélata «a demandé à être relevé de ses fonctions» de directeur général délégué et «cette demande a été acceptée», a annoncé le groupe après un conseil d'administration extraordinaire lundi.

Son départ n'est toutefois pas immédiat et une fois qu'un successeur lui sera trouvé, il se verra proposer «d'autres fonctions au sein du groupe constitué par l'Alliance Renault-Nissan».

Le service de sécurité du constructeur, à l'origine de l'enquête interne ayant abouti au licenciement abusif des trois cadres, a été décapité avec le départ de son directeur Rémi Pagnie, de Dominique Gevrey et Marc Tixador.

M. Gevrey, un ancien militaire, a été mis en examen pour escroquerie le mois dernier. Il est écroué depuis le 13 mars.

M. Ghosn a chargé le criminologue Alain Bauer et un ancien haut responsable du contre-espionnage français, Alain Juillet, d'une mission visant à une «refonte» de l'ensemble du service, jugée «prioritaire» par l'audit remis lundi aux administrateurs.

Trois cadres dirigeants de Renault sont par ailleurs relevés de leur fonction, là aussi dans le cadre d'une refonte du management de l'entreprise.

Il s'agit du directeur des cadres dirigeants Jean-Yves Coudriou, du directeur juridique Christian Husson et de la secrétaire générale Laurence Dors. Ces deux derniers seront remplacés par Mouna Sepehri.

Le constructeur est également parvenu à un accord pour indemniser les trois cadres licenciés à tort dans cette affaire, Michel Balthazard, Matthieu Tenenbaum et Bertrand Rochette, ainsi qu'avec Philippe Clogenson, licencié en 2009 dans des circonstances similaires et qui va réintégrer Renault.

M. Tenenbaum devrait lui aussi reprendre sa carrière au sein du groupe, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.

La somme totale des indemnisations se monte entre 5 et 10 millions d'euros, selon cette source. Ce montant devrait être couvert grâce aux bonus et stock options auxquels les dirigeants impliqués dans le fiasco ont renoncé, selon cette source, conformément à un engagement pris en mars par M. Ghosn.

«Ce conseil d'administration extraordinaire tourne une page douloureuse de l'histoire de Renault», dont «tous les salariés du groupe ont souffert», a déclaré M. Ghosn, cité dans un communiqué.

Le PDG de Renault avait reconnu le 14 mars que le groupe avait accusé à tort le trio Balthazard-Rochette-Tenenbaum d'avoir monnayé des informations sur le programme phare des véhicules électriques. Il avait à l'époque refusé la démission de Patrick Pélata et avait lancé un audit chargé de tirer les choses au clair, dont les conclusions accablantes ont été présentées lundi.

L'État, actionnaire principal de Renault avec 15% des parts et qui avait réclamé des têtes, a pris «acte des décisions du conseil d'administration».

La ministre de l'Économie Christine Lagarde et celui de l'Industrie Eric Besson «ont prévu de faire avec Carlos Ghosn dans les prochains mois le point sur la stratégie industrielle, de nature à renforcer l'alliance Renault-Nissan», ont-ils fait savoir dans un communiqué.

Parmi les syndicats, la CFE-CGC se félicite que «toutes les conséquences des erreurs commises» aient été tirées et que les cadres aient été indemnisés et que deux d'entre eux souhaitent réintégrer l'entreprise.

Quant à la CGT, elle estime que «rien n'est encore réglé sur le fond» et elle s'étonne que M. Ghosn soit «écarté de toute responsabilité».