Les réformes économiques annoncées par le gouvernement cubain récemment n'ont pour l'instant qu'un faible effet sur le développement de l'automobile à Cuba. Faute d'un pouvoir d'achat suffisant, la plupart des Cubains ne peuvent se payer une voiture ou un scooter, fût-il électrique.

«Neuf cent quarante-huit pesos convertibles (1128$). C'est le prix de ce scooter électrique. C'est très cher. Nous n'en vendons pas beaucoup car pour nous, c'est une somme faramineuse», confie la vendeuse à l'uniforme verdâtre d'une boutique de Santiago de Cuba devant laquelle des dizaines de Cubains font la queue. Le scooter est identique à ces modèles bas de gamme que l'on trouve à 350$ chez Canadian Tire. À ceci près qu'à Cuba, non seulement il coûte trois fois plus cher, mais en plus, le niveau de vie y est considérablement plus bas qu'au Canada. Un médecin cubain, l'un des professionnels les mieux payés du pays (avec les policiers), gagne 20$ par mois. L'achat d'un scooter à Cuba équivaut à huit années du salaire moyen d'un Cubain. Il y a bien sûr l'économie parallèle, mais cela ne suffit pas.

Artemio, chauffeur de taxi, se lamente: «On ne peut toujours rien faire. Il est souvent impossible de faire l'acquisition d'une voiture neuve. Elles sont réservées aux officiels, aux usines, mais pas aux particuliers.» Eusebio, blanchisseur, explique: «La Toyota Yaris est selon moi la meilleure voiture. Ici, une Yaris vaut environ 6000$, d'occasion. Les médecins sont souvent ceux qui travaillent à l'étranger; ils ont de l'argent et peuvent acheter une auto. Les nouvelles mesures prises récemment par Raul Castro n'ont vraiment rien changé pour nous.»

En attendant des jours meilleurs, Eusebio promène les touristes d'un point à l'autre de Santiago pour quelques pesos. Passablement désabusés, bien peu de Cubains croient, advenant une victoire des démocrates à l'élection présidentielle américaine, à une prochaine levée du blocus américain et à la venue de nouvelles Chevrolet ou Chrysler. Ils craquent d'ailleurs majoritairement pour les voitures japonaises, voire françaises, mais ils ne citent jamais les américaines dans leurs rêves automobiles. La dernière auto américaine entrée à Cuba est une Buick, en 1960. Elle est exposée au Musée national des transports de La Punta, une bourgade perdue à 30 km de Santiago de Cuba.

En conclusion, comme le souligne Pedro, employé dans une usine: «Les nouvelles mesures prises par Raul (Castro) ont eu pour effet d'éliminer des restrictions administratives anciennes et stupides; dans les faits, cela ne change pas notre mode de vie quotidien. Est-ce que je peux m'acheter une voiture avec mes 10$ mensuels? La réponse est non.»