Le Québec, où l'usage du téléphone portable au volant sera interdit à compter de demain, rejoint la plupart des pays industrialisés, qui pénalisent le conducteur en conversation au moyen d'un téléphone cellulaire, mais tolèrent, dans la plupart des cas, l'utilisation des installations mains libres.

À quoi bon, puisque c'est la conversation téléphonique au volant en tant que telle qui distrait la conduite, et non l'équipement utilisé. Téléphoner en voiture sera-t-il un jour interdit?

Vous pensez que le gouvernement vous incite à adopter une bonne conduite en vous permettant de vous munir d'un dispositif mains libres. Raté! Plusieurs études scientifiques démontrent qu'au volant l'attention chute de plus d'un tiers avec cet outil.

Pis encore, l'utilisation d'un dispositif mains libres a aussi un effet pervers: il donne vraiment aux conducteurs un faux sentiment de sécurité. Les experts estiment en effet que la perturbation de l'attention des conducteurs qui téléphonent vient tout autant de la manipulation physique de l'appareil que de la perte de concentration.

C'est bien connu, sur les routes, certains automobilistes font de dangereuses embardées pour manœuvrer leur véhicule sans interrompre leur conversation téléphonique.

Dès demain, 1er avril, les policiers avertiront les automobilistes pour usage d'un téléphone portable au volant. La solution? Le dispositif mains libres qui, au moment où vous lirez ces lignes, sera de toute évidence en rupture de stock chez votre fournisseur.

N'ayez crainte, notre gouvernement est bon. Il nous laisse un sursis de trois mois. Mais, à compter du 1er juillet, le téléphone portable au volant pourrait vous coûter cher. Très cher. Trois points de moins (c'est clair que madame la ministre ne conduit pas) sur le permis et jusqu'à 100$ d'amende. On peut légitimement douter que la route sera plus sûre, mais c'est certain que la caisse du gouvernement y gagnera.

Voilà une mesure qui incitera les forces de l'ordre à garder l'oeil ouvert. Après la ceinture de sécurité, ils auront en effet le mandat de vérifier si vous n'avez pas un portable collé à l'oreille.

On se demande bien pourquoi les autorités n'ont pas profité de l'occasion pour interdire aussi de griller une cigarette, de manger un sandwich ou encore de boire un café en conduisant. C'est aussi dangereux.

Êtes-vous toujours aussi attentif au volant lorsque la moutarde de votre hot-dog dégouline sur votre pantalon ou que votre clope laisse tomber une escarbille sur la moquette? Alors, éliminons le cendrier (c'est presque fait) et les accoudoirs trop larges (souvent confondus avec des tables) et les porte-gobelets. N'ayons qu'une seule et même devise: tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent. C'est ridicule, mais l'approche du gouvernement ne l'est-elle pas autant?

Sur une note plus sérieuse, une étude américaine, publiée dans la revue Brain Research, apporte une réponse scientifique à cette question du mains libres.

Des chercheurs du centre d'imagerie cérébrale de l'Université Carnegie Mellon de Pittsburgh ont démontré que l'attention d'un automobiliste sur sa conduite chute de plus d'un tiers au cours d'une conversation téléphonique en mains libres. Pas convaincu?

Alors, voilà une autre étude - australienne celle-là -, qui soutient que le fait de téléphoner au volant avec un appareil mains libres est une pratique presque aussi dangereuse qu'avec un téléphone tenu en main: le risque d'accident est multiplié par 3,8 avec le mains libres et par 4,9 avec un téléphone tenu en main.

Même son de cloche en France, où l'Observatoire national interministériel de sécurité routière relève la dangerosité des appels téléphoniques effectués à l'aide de kits mains libres. Là-bas aussi, on recommande l'interdiction complète du téléphone au volant.

Tous les intervenants s'accordent pour dire que l'interdiction de l'utilisation du téléphone cellulaire, même en utilisation mains libres, relève de l'utopie. C'est vrai. Il serait difficile, voire impossible, pour les forces de l'ordre d'appliquer un tel règlement («je ne parlais pas au téléphone, je chantais, monsieur l'agent»). Il existe toutefois une solution, une seule: après un accident de la circulation, par exemple, il serait possible de vérifier, auprès des opérateurs de téléphonie mobile, si le conducteur était au téléphone au moment de l'accident. Une idée comme ça qui pourrait également s'appliquer aux pneus d'hiver...

Chose certaine, tous ces rapports soulignent qu'une interdiction totale du téléphone au volant réduirait de 7 à 8% le nombre d'accidents. Monsieur De Koninck, vous êtes mathématicien, non? Alors, on sauverait combien de vies?