L'homme de télévision Jean Bissonnette, père des Couche-Tard, de Moi et l'autre, d'Appelez-moi Lise et du tout premier Bye Bye, est décédé mardi à l'âge de 81 ans, a indiqué mardi son alma mater, Radio-Canada.

Formé «sur le tas» à l'école naissante de la télévision publique, dans les années 1950, M. Bissonnette aura rapidement donné naissance à des classiques du petit écran québécois, en façonnant ce média extrêmement populaire.

Il a aussi été plus tard metteur en scène ou directeur artistique pour les plus grandes vedettes d'ici, dont Gilles Vigneault, Jean-Pierre Ferland, Diane Dufresne et Yvon Deschamps. C'est lui aussi qui avait mis en scène les mythiques spectacles de la Saint-Jean de 1975 sur le mont Royal.

Plus tard, il fondera avec Jean-Claude Lespérance la maison de production Avanti Ciné Vidéo, qui sera derrière de grands succès d'émissions humoristiques, notamment Piment Fort, La petite vie et Un gars, une fille.

Né le 20 octobre 1934 à Montréal, Jean Bissonnette a 18 ans lorsque la télévision de Radio-Canada entre en ondes. Le jeune réalisateur plein d'initiatives et d'énergie ne tardera pas à proposer de nouvelles idées d'émissions de variétés qui sauront rapidement capter l'attention du public.

Il fait ses classes simultanément avec Music-Hall (1955-1962), avec Michelle Tisseyre, et Au p'tit café (1956-1961), avec Dominique Michel déjà, Normand Hudon et Pierre Thériault.

Il trouvera ensuite la formule parfaite avec Les Couche-Tard (1960-1968), un talk-show déjanté avec le très sarcastique Jacques Normand et le plus sérieux Roger Baulu, alors «prince des annonceurs», qui recevront sur leur plateau les plus grands d'ici et de toute la francophonie. L'émission de 30 minutes, diffusée de 1960 à 1968, connaît un succès phénoménal - personne au Québec ne va se coucher après La Soirée du hockey, le samedi.

«J'ai eu ce grand privilège de travailler à Radio-Canada, un véhicule extrêmement important. Mes patrons m'ont accordé une grande liberté. Je ne regrette pas une seule journée. Quand je partais travailler, j'avais l'impression de partir en vacances. Je n'ai jamais mis mon bleu de travail», disait-il en 2015 en recevant un Prix du Québec.

En 1966, il crée avec l'auteur Gilles Richer un autre méga-succès: Moi et l'autre, une comédie de situation qui était tout à fait dans l'air de son temps, la Révolution tranquille - les tribulations de deux jeunes femmes célibataires et dégourdies, dans un immeuble d'appartements du centre-ville de Montréal. Jean Bissonnette réussissait alors à amener à la télévision deux grandes vedettes québécoises du cabaret: Dominique Michel et Denise Filiatrault.

En 1970, en pleine Crise d'octobre, Jean Bissonnette donne naissance au rituel désormais inébranlable du Bye Bye de fin d'année au Québec. Les moins jeunes se rappelleront le sketch d'anthologie avec Olivier Guimond en soldat canadien-français assigné à la protection de la résidence cossue d'un anglophone de Montréal (Denis Drouin). «Cette scène, nous l'avons faite à 7h30 le matin, sans répétition et en une seule prise. Travailler avec Olivier, c'était le bonheur!», disait encore Jean Bissonnette en 2015.

Il réalise aussi un film, en 1971: Tiens-toi bien après les oreilles à papa, écrit par Gilles Richer, avec Dominique Michel.

En 1972, après la fin de Moi et l'autre, il offre à l'animatrice de la radio de Radio-Canada Lise Payette un écrin de fin de soirée à la télévision, Appelez-moi Lise, un autre talk-show qui connaîtra aussi un énorme succès, jusqu'en 1975 - puis un peu pendant les Olympiques de 1976 à Montréal.

De cette collaboration sont nés aussi les grands spectacles de la Saint-Jean à Montréal en 1975, car l'organisation des fêtes avait été confiée par le premier ministre libéral Robert Bourassa à Lise Payette.

Plus tard, de 1980 à 1988, il sera coordonnateur des variétés à Radio-Canada. II a aussi été producteur délégué à la télévision française, notamment pour Champs-Élysées, animée par Michel Drucker, et Le Grand Échiquier de Jacques Chancel. C'est lui qui amènera au petit écran Les Lundis des Ha! Ha! de Ding et Dong, tourné au premier Club Soda.

Il a été par ailleurs metteur en scène et directeur artistique de vedettes comme Jean Lapointe, Claude Dubois, Céline Dion, Roch Voisine, Dominique Michel ou Denise Filiatrault.

«J'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup d'admiration pour les gens avec qui j'ai travaillé. Être seul devant Vigneault qui me faisait les chansons qu'il créait pour les spectacles que l'on montait ensemble, ça a été de grands moments pour moi. Je me considère privilégié d'avoir été le premier public de ces artistes», disait-il.

C'est aussi lui qui a fignolé les premiers galas Juste pour rire à la demande de Gilbert Rozon.

Jean Bissonnette est devenu en 2015 le cinquième lauréat du prix Guy-Mauffette, récompense suprême de l'État québécois dans les secteurs de la radio et de la télévision. L'année précédente, cette récompense avait été attribuée à Lise Payette.