Montréal est l'une des capitales mondiales de la réalité virtuelle (RV). Berlin aussi. Après une semaine d'ateliers au Centre Phi en avril, 25 producteurs, artistes et spécialistes de la RV canadiens et allemands poursuivent leurs échanges à Berlin.

La réalité virtuelle (RV) n'a plus rien de «virtuel». Cette industrie devrait générer des revenus de 120 milliards d'ici à 2020, selon le magazine Forbes. Les majors y ont plongé, mais les artistes et les petits producteurs continueront d'y trouver leur compte.

Les expériences de RV ne seront pas utilisées que pour jouer ou pour voir des films, mais infiltreront tous les domaines: connaissance, éducation, science et communications.

Montréal et Berlin sont déjà des leaders mondiaux dans ce domaine. Flairant des intérêts communs, l'Institut Goethe de Montréal a réuni 25 experts en avril dernier au Centre Phi pour réfléchir et créer des projets en RV.

«On sentait qu'il y avait beaucoup de curiosité dans nos deux pays pour le travail qui se fait en réalité virtuelle. On a répondu à un besoin, je crois», explique Katja Melzer, directrice du Goethe qui a travaillé en partenariat avec MUTEK.

Après une semaine d'ateliers, les fruits commençaient déjà à mûrir.

«Nous avons une coproduction en cours avec une entreprise de Montréal. Je suis venu pour trouver de nouveaux projets, de nouveaux collaborateurs, créer un réseau. C'est un média nouveau et il faut rester ouvert à toutes les possibilités», soutient Sönke Kirchhof, président et producteur d'IN VR, une firme de Berlin qui crée des projets à l'étranger.

Vladimir Ilic, directeur artistique de la firme de Hambourg VR Nerds, le plus grand site internet de médias immersifs en Allemagne, renchérit: «J'ai fait de formidables rencontres à Montréal, ce qui me rend enthousiaste pour la suite des choses. Je ne partirai pas d'ici sans un projet.»

La cofondatrice et présidente du studio montréalais Casa Rara, Tali Goldstein, qui produit surtout des contenus pour les jeux vidéo, a aussi étendu son réseau durant les ateliers.

«Je m'intéresse aux pratiques et à la pensée des autres créateurs, dit-elle. C'est très pratique. Je prends part aux ateliers pour inspirer mes futurs projets et trouver des collaborateurs.»

L'idée de VR: RV Montréal-Berlin est justement d'amener les participants à préparer un prototype qui sera présenté ici en novembre.

«En arrivant à Berlin, je crois que nos projets vont déjà avoir cheminé», estime Nyla Innuksuk, fondatrice et productrice de Mixtape VR, une firme de Toronto qui a travaillé avec des artistes comme Kent Monkman et Tanya Tagaq. «Je suis très curieuse de voir ce qui se passe sur la scène berlinoise. C'est un nouveau média qui doit rester accessible à tous. Il y a un grand besoin de contenus. C'est là que les artistes et les petits studios peuvent trouver leur place.»

Financement

Les Allemands de VR Nerds et d'IN VR, ainsi que les réputés studios Felix & Paul de Montréal, emploient tous plus de 50 personnes. Certains de ces jeunes «vétérans» craignaient la montée en flèche des coûts de production, mais la donne change.

«Les grands studios travaillent en réalité virtuelle, mais on peut y réussir avec moins de moyens. En Allemagne, la majorité du financement vient des fonds étatiques attribués au cinéma. Il faudra créer des fonds consacrés à la RV», souligne Sönke Kirchhof.

Vladimir Ilic poursuit en disant: «On parle beaucoup de financement quand on parle de RV, mais beaucoup de travailleurs dans notre domaine le font pour l'art, parce qu'ils sont des artistes.»

Même son de cloche du côté de Tali Goldstein. La Montréalaise ajoute, cependant, que même s'il est possible de produire à coût abordable, «il faut viser la qualité avec une rémunération et des conditions intéressantes pour les artistes».

Nerds, mais pas trop

L'image populaire veut que les créateurs de réalité virtuelle ou augmentée, comme ceux de jeux vidéo et d'effets spéciaux d'ailleurs, soient tous des nerds travaillant en ermites.

«Nous sommes des nerds. Nous nous intéressons aux technologies, mais je ne suis pas un technologue, précise Sönke Kirchhof. Je viens d'un univers créatif en photographie. Les gens disent que la réalité virtuelle est un média antisocial, mais nous sommes la preuve du contraire.»

Tali Goldstein croit qu'il est «très important que les nerds sociaux, que nous sommes, puissent créer un nouveau langage dans un nouveau média qui veut rejoindre les gens artistiquement et socialement ou simplement les divertir. Nous pensons toujours aux utilisateurs quand nous créons».

«Comme producteur, on doit revêtir plusieurs habits. Il faut pouvoir réunir des gens de plusieurs domaines, tout en connaissant la technologie et l'art. C'est un média collaboratif. Nous avons de l'expérience en réalité virtuelle sans être nécessairement des experts», soutient Nyla Innuksuk.

Les quatre producteurs estiment que les rencontres en personne sont bénéfiques et ils souhaitent davantage d'ateliers internationaux.

«J'étais à Montréal il y a deux ans et demi et j'y ai rencontré le coproducteur du projet que je développe en ce moment, qui traite de la guerre en Syrie. Même si le projet ne se conclut pas, je crois que j'ai rencontré des gens ici avec qui je travaillerai dans l'avenir», souligne Sönke Kirchhof.

PHOTO FOURNIE PAR VIVIEN GAUMAND

Des participants aux ateliers de VR: RV Montréal-Berlin discutent.