Dan Bigras sera sur scène, le 22 novembre, à la salle Wilfrid-Pelletier, en compagnie notamment d'Émile Proulx-Cloutier, Guylaine Tanguay et Marie-Josée Lord, pour le 28e Show du Refuge, au profit du Refuge des jeunes. Remis d'un cancer depuis l'été, l'artiste de 60 ans a publié l'an dernier son autobiographie, Le temps des seigneurs, ainsi qu'un album du même nom qui revisite 25 ans de carrière en 25 chansons.

La caricature que l'on faite de toi, notamment à l'émission À la semaine prochaine, à la radio de Radio-Canada,est celle d'un militant gauchiste fâché, avec une voix de pub de char...

Il me fait rire en tabarnak, Dominic Paquet! Le militant gauchiste, c'est pas une caricature. Et c'est vrai que j'ai un air bête! La pub de RAM, c'est de la narration pour moi. Ce n'est pas un gros contrat de porte-parole. Je ne fais pas une fortune avec ça. Mais c'est une bonne job pour moi, récurrente. Au début, je pensais qu'il n'y avait pas tant de gens que ça qui savaient que c'était moi. J'espérais que ça ne se remarquerait pas tant que ça! J'ai raté ma shot... [Rires]

J'ai vu le spectacle de l'humoriste Virginie Fortin, la semaine dernière, et elle t'imite, elle aussi: «Courage, légende...»

Je l'aime aussi, elle! Ce qui est drôle, c'est que je ne me fais jamais attaquer pour mes pubs de chars par les écologistes. Je me fais attaquer par les trolls militants de partis politiques que je critique...

Mais qu'est-ce que tu réponds aux gens qui disent qu'un militant de gauche ne devrait pas faire des pubs de chars? Il y en a eu plusieurs depuis une semaine...

J'ai signé le Pacte [de transition écologique] et c'est le genre de tweets qu'on m'envoie: «Toi, le gars de truck, viens pas me faire la morale!» Je ne fais la morale à personne. Je dis que je m'engage à faire des efforts, de mon bord, et que je vais surveiller le gouvernement, comme tout le monde. Maintenant, si t'as une load de huit tonnes à aller chercher à Calgary, vas-tu y aller avec 200 Smart? On a besoin des trucks, des 18-roues, des avions, des bateaux. On aimerait que ce soit le plus écologique possible, mais on ne peut pas se débarrasser de tout non plus. Et l'électrique, ce n'est pas parfait. Je ne ferai pas une annonce de Shell et on ne me paiera jamais assez cher pour m'habiller en Scott Towel! Mais ça, c'est mon orgueil! [Rires]

Es-tu victime du fait que ta voix est reconnaissable entre toutes? Il y en a beaucoup d'autres qui font des narrations pour des publicités d'autos...

Les chanteurs, les rockeurs ne sont pas censés faire de la pub! Les acteurs en font, les réalisateurs en font. Moi, je ne me plains pas quand j'ai moins d'argent; je ne me pète pas les bretelles quand j'en ai plus. Je ne demande la permission à personne pour gagner ma vie. Je ne suis à la charge de personne. Et je ne finirai pas ma vie dans un CHSLD. Je me suis entendu avec mon fils. Je terminerai ça selon mes propres termes. Je n'ai pas eu une enfance très digne, j'ai une vie dont je suis très heureux, mais je ne partirai pas de façon indigne. Pour le reste, ça en prend, des ostie de trucks! Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? On ne peut pas tout faire en Smart. Une Smart, ça ne vole pas. Ça ne peut pas remplacer un avion, qui consomme pas mal plus qu'un RAM. Quand j'accepte une «gig» comme ça, il y a deux questions qui me viennent : est-ce que ça fitte avec ma conscience, et est-ce qu'il y en a qui vont chialer ? Oui, il y en a qui vont chialer, mais ils n'ont pas raison. Je suis en accord avec moi-même. Mais contrairement à ce que tu disais, je ne suis victime de rien!

Il y a un ressac, dans les médias, vis-à-vis de l'engagement des artistes pour le Pacte. On leur reproche d'être des hypocrites, on laisse entendre que ce sont des privilégiés, etc. Qu'est-ce que tu en penses?

Les chroniqueurs dont tu parles sont des chroniqueurs de droite. Les artistes ne veulent pas faire la leçon. Ce sont des gens engagés qui veulent se comporter un peu mieux. Ensemble, ça nous donne une meilleure position pour parler au gouvernement. On ne peut pas dire qu'on ne fait pas notre part. Il y en a qui disent que ça ne tiendra pas. Ça ne tiendra pas si on ne l'essaie pas!

Cette mobilisation a certainement fait image. elle a fait en sorte que Dominic Champagne rencontre François Legault...

Ça ne serait jamais arrivé sans ça! Les politiciens bougent quand on les force un peu. Et on ne peut les forcer que dans la sphère publique. Ils ne veulent pas perdre de votes, donc ils font un effort. Ce qui ne veut pas dire qu'ils vont faire ce à quoi ils s'engagent! Moi, je trouve que c'est un très beau pacte. Je l'ai signé parce que tout ce qu'il y a là-dedans me convient complètement. Mais je ne considère pas que tu es un moron si tu ne le signes pas. C'est ta vie. Tu fais ce que tu veux. Je n'ai de leçons à donner à personne. Oui, je suis un artiste. Oui, j'ai un Jeep, mais c'est le plus petit de la gang. Son moteur, c'est un 4 [cylindres]! Ça consomme autant qu'un petit char. J'en ai besoin pour transporter des instruments de musique. J'habite à la campagne, dans un chemin de gravelle au fond du bois. Tu n'y vas pas en Smart! Je fais ma part, mais je ne deviendrai pas un grand militant écologiste. Je ne serai pas le prochain Steven Guilbeault. Lui, il a ça dans le sang. Pourquoi? Parce que j'ai choisi les jeunes.

Le Refuge des jeunes, c'est un organisme auquel tu es intimement lié...

Quand France [Labelle, la directrice générale de l'organisme] m'a offert de faire le show, au début, j'ai refusé. Parce que je trouvais qu'il y avait tellement d'artistes qui allaient dans les téléthons en disant: «Cette cause me tient à coeur», avec un air de Jules César. C'était tout appris par coeur ! Moi, j'ai besoin que les choses soient honnêtes. Je ne veux pas faire une affaire croche et avoir peur de me faire pincer parce que je cache quelque chose. Ou faire semblant de sourire chaque fois qu'il y a un kodak. France m'a dit: «Je comprends tes inquiétudes. À cause de ça, tu vas refuser de nous aider?» [Rires]

Et 28 ans plus tard, tu es toujours là!

Quand tu veux être porte-parole d'une cause, il faut que tu saches un peu de quoi tu parles. Moi, je ne le sais pas toujours par ma tête, mais je le sais par mon coeur. Le trajet qui mène à la rue, je le fucking connais! Le trajet qui mène à la mort aussi. Je sais certaines choses, sans être un expert. Personne n'est un expert des choses humaines. C'est insondable. Mais quand on me demande de parler du Refuge des jeunes, et plus particulièrement du trajet qui mène les jeunes d'une famille jusque dans la rue, je sais de quoi je parle. Je suis content parce qu'en 28 ans, je me suis rendu compte que beaucoup de gens regardent les jeunes de la rue différemment. Pas tout le monde! Ça fait mal à regarder. Il y en a qui préfèrent avoir des oeillères. Mais s'ils refusent de les regarder, c'est parce qu'ils les ont vus. La souffrance de ces jeunes-là est déjà présente. Mieux vaut leur sourire dans ce temps-là. Pour au moins participer à un petit peu de bien-être. Un regard, un sourire, ça ne coûte rien.