Les musicologues ont longtemps soupçonné les inventeurs du violon d'avoir voulu imiter la voix humaine. Une nouvelle étude en fait la démonstration avec des modèles conçus par des luthiers italiens du 16e au 18e siècle, dont plusieurs de la célèbre famille des Stradivarius.

Des chercheurs de l'Université de Taïwan ont fait jouer par un violoniste professionnel 15 violons antiques, dont un modèle de 1570 conçu par le père du violon, Andrea Amati. Également au banc d'essais: six violons de la famille des Stradivarius, du nom d'Antonio Stradivari, disciple du petit-fils d'Andrea Amati, et sept autres violons antiques fabriqués à Crémone et Brescia, les villes italiennes où est né le violon moderne.

Ils ont ensuite comparé, par un banal logiciel d'analyse phonétique, les notes des violons à celles de huit femmes et huit hommes chantant des voyelles anglaises.

Résultat: les Stradivarius exprimaient des caractéristiques acoustiques proches des voix de ténor ou d'alto. Et les plus anciens violons se rapprochent de voix de basse ou de baryton.

«Ces propriétés pourraient expliquer la brillance caractéristique des violons Stradivari», expliquent les chercheurs, dans leur étude publiée lundi dans la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences.

«Le son idéal pour un violon à l'ère baroque était d'imiter la voix humaine», poursuivent-ils, en s'intéressant en particulier aux «formants», les plages de fréquences où une voix atteint sa résonance maximale. «Nous avons montré que les violons de Crémone étaient capables de produire les mêmes caractéristiques de formants que chez les chanteurs humains».

Ce qui explique, selon les chercheurs, que les modèles de violons conçus par Antonio Stradivari sur la fin de sa vie, entre 1700 et 1720, restent sans égal à ce jour.