Comme c'est le cas chaque printemps depuis sa fondation en 1980, le Festival International de Jazz de Montréal a déployé son artillerie lourde, c'est-à-dire sa très imposante programmation en salle : 150 concerts répartis dans 14 séries thématiques, présentés dans 11 salles et amphithéâtres, soit du 28 juin au 8 juillet.

«Notre programmation comporte des artistes de jazz à hauteur de plus de 50%. De plus, elle se veut ouverte sur le monde, c'est-à-dire recrutant sur tous les continents», affirme Maurin Auxéméry, au nom de l'équipe des programmateurs du FIJM.

En attendant la mise en vente des billets ce vendredi (midi), voyons voir les grandes tendances de cette énorme grille de concerts.

Têtes d'affiche

Le FIJM se veut un événement généraliste, ses programmateurs cherchant à satisfaire le plus grand commun dénominateur: seront ainsi au rendez-vous le nobelisé Bob Dylan et l'oscarisée La La Land, comédie musicale dont on relira la bande originale. Pour sa part, le public de type « adulte contemporain » aura droit aux résurgents Gipsy Kings,The O'Jays/Four Tops, Buddy Guy/Charlie Musselwhite, Pink Martini, Jesse Cook, Melissa Etheridge/Joss Stone et autres ensembles vocaux Harlem Gospel Choir et Montreal Gospel Jubilation Choir. Quant au public enclin à la pop plus actuelle, il adhérera aux programmes des inévitables Bobby Bazzini, Matt Holubowski ou Serena Ryder. Un autre grand public se trouvera plus branché d'assister aux prestations de Charlotte Cardin, Feist ou Charlotte Day Wilson.

Musiques du monde

Bon an mal an, le FIJM présente des artistes associés au vaste corpus que l'on réunit (à tort ou à raison) sous la bannière «musiques du monde». Cette fois, ce sont la chanteuse afro-espagnole Buika, le pianiste et chanteur cubain Roberto Fonseca, les artistes argentins (de surcroît piazzolliens) Escalandrum et Elena Roger, la visionnaire inuite Tanya Tagaq, les chanteurs brésiliens Flavia Coelho et Rodrigo Amarante (à qui l'on doit la chanson-thème de la série Narcos), le projet exotique de nos Barr Brothers avec leurs amis ouest-africains Bassekou Kouyaté et Amy Sacko, le Camerounais Blick Bassy, le Montréalais d'origine brésilienne Paulo Ramos.

Jazz grand public

Comment définir le jazz grand public? Par la connaissance de ses codes au fond de toutes les oreilles les moindrement enclines à l'idiome: quel jazzophile n'a jamais entendu parler du superbassiste Stanley Clarke? Du power trio québécois Uzeb, qui reprend du service? Du jeune Daniel Clarke Bouchard, qui épate la galerie montréalaise par sa technique précoce? De John Pizzarelli, crooner et guitariste rompu au classicisme jazzistique? De l'acrobate pianistique Hiromi, virtuose japonaise qui fait équipe cette fois avec Edmar Castaneda? Du jazz amerloque et de la java française revus par Andrea Lindsay, soit la plus francophile des chanteuses anglo-montréalaises? Des teintes americana du guitariste Bill Frisell qui nous visite cette fois avec le contrebassiste Thomas Morgan? Du jazz manouche à la sauce Django Festival All Stars? Le grand public du jazz pourrait aussi bien se pointer aux concerts de la chanteuse Lizz Wright, au programme offert par Lisa Simone (fille de Nina) et Michael Kaeshammer, au combat des big bands ressuscités de Cab Calloway et Xavier Cugat, au spectacle rétro nuovo de Caravan Palace, à la performance de la torch singer Kandace Springs, à la découverte de la chanteuse et trompettiste Bria Skonberg ou encore au jazz primitif actualisé par Misses Satchmo.

Jazz de haut niveau

Côté diffusion, le jazz de haut niveau ne traverse certes pas la meilleure période de son histoire, mais ses praticiens et amateurs peuvent s'en nourrir au FIJM. Ils iront écouter les projets de leurs valeurs sûres: Robert Glasper Experiment, Joshua Redman précédé de Danilo Perez, Christian McBride, Arturo Sandoval/Jane Bunnett, Youn Sun Nah, Kurt Rosenwinkel, Donny McCaslin (musicien central de Blackstar, ultime offrande de David Bowie), Tony Allen (en hommage à Art Blakey), Ambrose Akinmusire, Dave Douglas & Chet Doxas (avec Carla Bley), Harold Lopez-Nussa, Hudson (Jack DeJohnette) et The Marvels (Charles Lloyd), John Roney (qui refait le fameux Köln Concert de Keith Jarrett), Rachel Therrien, Ariel Pocock, Somi. Dans le cadre de la série Invitation, ils assisteront aux volets de The Bad Plus ou de Ravi Coltrane. Soucieux d'encourager la culture locale, ils iront au «Jazz d'ici» de Christine Jensen (avec Ben Monder et Ingrid Jensen), de Jowee Omicil, d'Hichem Kalfa, de Guillaume Martineau, du Parc X Trio, de Rachel Therrien, de Lorraine Desmarais ou encore de l'ONJM avec pour invités John Hollenbeck et Theo Bleckmann.

Jazz branché

Souvent, les jazzophiles nouvellement recrutés aiment investir une zone qui leur est propre... et que voici: à l'été, ils assisteront au programme de l'ensemble anglo-scandinave Phronesis et du pianiste Guilym Simcock. Ils manifesteront le plus haut intérêt à l'endroit du batteur Mark Guiliana, cette fois en formule quartette. Ils se pencheront sur le projet du saxophoniste afro-britannique Shabaka Hutchings (The Comet is Coming) avec The Ancestors. Ils iront à la découverte de la brillante chanteuse et MC afro-américaine Xenia Rubinos. Ils absorberont les nouvelles fréquences du Neil Cowley Trio, du Portico Quartet, du saxophoniste Binker Golding et du batteur Moses Boyd. Ils se pointeront fort probablement au double concert donné par les ensembles du pianiste Tigran Hamasyan et du saxophoniste Colin Stetson. Ils seront ouverts aux propositions de Bokanté, projet de Michael League (Snarky Puppy) incluant la Montréalaise Malika Tirolien. Ils seront impressionnés par le spectaculaire multi-instrumentiste Jacob Collier. Ils adhéreront au groove du trio montréalais Misc, seront enchantés par Puma Blue, médusés par l'explosif Too Many Zooz, emportés par Cory Henry et ses Funk Apostles, renversés par le rapper Joey Bada$$, galvanisés par le fameux bassiste et compositeur électro Squarepusher.

Pas jazz pantoute

C'est bien connu, la marque «jazz» attire une périphérie de mélomanes qui n'ont rien à voir avec le genre - ou si peu. Ils seront ainsi aux rendez-vous fixés par l'impérial King Crimson, par le grand songwriter canadien Ron Sexsmith, par les tandems électros Thievery Corporation et Acid Arab, par le phénomène néo-minimaliste québécois Jean-Michel Blais, par le transfuge français Maxence Cyrin, par les expatriés très groovy de Parlor Social (Dessy Di Lauro & Rick'key Pageot), le rock d'Aliocha, par le post-rock aérien du groupe québécois Harfang, la chanteuse indie pop Gabrielle Shonk (élue de La voix), la Norvégienne indie-folk Siv Jakobsen, le Montréalais Jesse Mac Cormack, les vieux Men Without Hats, le chanteur R & B (préféré des hipsters) Charles Bradley, la splendide chanteuse Imany, Knower, Wax Tailor, BROS, les Ontariens de The Strumbrellas et Whitehorse, Groenland, San Fermin, Kroy, Geoffroy.

PHOTO NINON PEDNAULT, LA PRESSE

Le pianiste montréalais Jean-Michel Blais.