Des milliers de personnes ont pris d'assaut Montréal, samedi soir, pour la 8e Nuit Blanche. Il y avait foule dans les environs du centre-ville, et de nombreuses files d'attente devant les nombreux lieux culturels dont les portes étaient ouvertes. Record d'assistance? On ne le saura que lundi, lors de la conférence de Montréal en lumière.

Samedi soir, à 19 h 30, avant le début officiel de la Nuit blanche, les wagons du métro de la ligne orange étaient pleins comme à l'heure de pointe. À la station Champ-de-mars, c'était tout simplement la cohue. «Il y a donc bien du monde», a lancé une jeune femme derrière nous. «En tout cas, tu n'auras pas fret», blague son copain.

À la Place Jacques-Cartier, l'ambiance était presque féérique. Des gens glissaient sur les pentes de glace, d'autres mangeait de la tire d'érable. Il y avait un bouchon pour traverser la rue de la Commune, mais les gens pouvaient patienter en regardant les feux d'artifice éclater en haut du fleuve.

Tout juste après, Vincent Vallières est arrivé sur la scène du Quai du Vieux-Port avec une chanson de circonstance: OK on part. Qu'ils soient accompagnés de leur chien ou qu'ils traînent leur petit dans une poussette, les spectateurs tapaient du pied. «Merci d'avoir répondu à l'invitation en si grand nombre», a lancé Vallières, avant de poursuivre avec Le temps est long.

C'était le premier spectacle extérieur hivernal de Vallières en carrière. Après avoir invité les gens à taper des mains, il a déclaré à la foule en riant: «je ne sais pas comment ça tape avec des mitaines».

«On ne peut pas garantir qu'il n'y aura pas de fausse note ce soir, a-t-il souligné. Je ne sens déjà tous mes doigts, mais ce n'est pas grave!»

Salsa à l'hôtel de ville

Après sa chanson Café Lézard, nous avons fait un saut à l'hôtel de ville qui était l'hôte d'une soirée de salsa. Le maire Gérald Tremblay n'y était pas pour danser, mais le hall d'entrée était plein de professionnels et d'apprentis danseurs. Un étage plus pas, des familles buvaient du chocolat chaud. On se croyait dans un chalet de ski.

C'est ce qui est magique avec la Nuit Blanche: voir des gens réunis dans un lieu institutionnel à l'architecture magnifique qui leur appartient (c'est leur hôtel de ville après tout!), - et qu'ils n'ont peut-être jamais visité - dans le cadre d'une activité qui n'a rien à voir avec la vocation habituelle du lieu, du moins dans ce cas-ci.

Impro à la Place Pasteur

À peine dix minutes à pied plus tard, nous étions à la Place Pasteur, dans le Quartier latin, avec un verre de vin chaud à la main pour la joute d'impro organisée par les Rendez-vous du cinéma québécois (RCVQ).

Cool, c'était le guitariste et beat-box humain Dominique Hamel d'Orange Orange qui était en charge de la musique.

S'affrontaient dans l'arène l'équipe de Réal Bossé, Ève Landry, Simon Rousseau et Anne-Élisabeth Bossé, contre celle formée de François-Étienne Paré, René Rousseau, Diane Lefrançois et Anaïs Favreau.

Après deux improvisations qui avaient pour thème En terrains connus et Terreur au ciné-parc, nous avons filé à la Place des Arts pour voir quelques expositions et installations présentées un peu partout dans le Montréal souterrain. La file d'attente pour le Musée d'art contemporain était interminable...

Les gars des Pieds dans la marge avec l'OSM

Nous avons plutôt traversé de l'autre côté au Complexe Desjardins pour le spectacle de l'OSM - une première dans le cadre de la Nuit Blanche -, qui débutait à 22 h. Il y avait des gens tout partout dans les «gradins» des étages supérieurs. C'était beau à voir, à n'en oublier que nous étions dans un centre d'achat.

Le concept du spectacle était audacieux: les musiciens de l'Orchestre symphonique de Montréal allaient interpréter des pièces de Vivaldi, Denis Gougeon, Debussy, John Adams, Stravinski, et Leonard Bernstein, alors que les trois gars «expérimento-absurdes» des Pieds dans la marge étaient en charge de l'animation.

Résultat de ce mariage improbable : un spectacle hilarant. Et le chef d'orchestre Nathan Brock a joué le jeu à 100 milles à l'heure.

Le concept des animateurs des Pieds dans la marge? Offrir au public «un programme d'immersion de la musique classique» en utilisant l'image de la  «piscine de la musique».

Lady Gaga, c'est la «barboteuse de trois pieds», alors que la musique classique, «c'est le creux de 12 pieds».

De voir le chef Nathan Brock assis sur une chaise de lifeguard qui interviewe Jean-Sébastien Busque déguisé en Vivaldi, c'était vraiment une façon loufoque de démocratiser la musique classique.

Bravo à Mathieu Pichette, Félix Tanguay et Jean-Sébastien Busque. Leur concept était casse-gueule, mais au final, c'était drôle et réussi.

Les 10 ans de Bande à part au Métropolis

Deux minutes de marche plus tard sur la rue Sainte-Catherine (on commence lentement mais sûrement à se sentir dans un quartier et non un chantier des spectacles), c'était le spectacle des 10 ans de Bande à part au Métropolis. Nous sommes montés immédiatement à l'étage du Savoy pour attraper la fin de la prestation de Mara Tramblay. Elle s'apprêtait à chanter sa magnifique chanson Le printemps des amants...

Ensuite, nous avons traversé au Métropolis pour le spectacle de Fred Fortin. Avec Olivier Langevin à la guitare et Justin Allard à la batterie, c'était du solide. Sur le parterre, à moins de dix mètres de la scène, les spectateurs étaient bouche bée devant le puissant mur de son du trio, et l'interprétation vibrante des trois amis et musiciens. Leur chimie sur scène fait des flammèches.

Entre Bobbie et Dollarama, Fortin a dit à la foule avec son charme timide habituel: «je vais avoir 40 ans, mon fils 18 et Bande à part a 10 ans... ça penche par un bord».

Après Fred Fortin, nous sommes remontés au Savoy pour la fin du spectacle acoustique de Dany Placard, le temps d'entendre Les mains dans l'huile et Ariane. C'était un aller-retour express, histoire de ne pas manquer le grand retour de Groovy Aardvark sur la scène du Métropolis, où s'était formé devant un bon vieux mosh-pit.

«Les années passent vite», a crié Vincent Peake.

SAT et Total Crap

Nous voulions ensuite aller voir Poirier derrière ses platines au Club Soda, mais la file d'attente était presque sans espoir. Après un verre dans la nouvelle SAT (Société des arts technologiques) rénovée, direction bar les Katacombes pour finir la soirée avec les désastres télévisuels de Total Crap.

Encore là, il a fallu patienter plus de 45 minutes avant de pouvoir entrer. Comme disaient des amis de retour de Cuba: «c'est gratuit, donc il faut attendre... c'est ça le communisme!»

N'empêche, il faudra trouver une solution dans les prochaines années...

Mais l'attente valait le coup. Simon Lacroix et Pascal Pilote, les idéateurs de Total Crap, ont ressorti des extraits de Relevez le défi, Grands prés et Super nichons contre mafia. Encore plus drôle à revoir la deuxième ou troisième fois.

***

En sortant du bar, vers 3 h du matin, il neigeait à gros flocons.

«Quelle belle nuit», a dit notre chauffeur de taxi.

- Oui.