Ils sont mélancoliques et féroces, drôles et graves, tendres sans qu'on puisse les soupçonner un instant d'être des hommes roses: les undermän sont en ville avec leur spectacle masculiniste et autosuffisant. Invités par le festival Montréal complètement cirque, les quatre membres de la troupe suédoise Cirkus Cirkör ont démontré hier soir au National qu'il y a une vie après l'amour.

Entre l'autodérision hilarante et l'émotion à fleur de peau, les trois porteurs sans partenaire et leur musicien offrent une prestation moins bancale qu'elle en a l'air. Avec un rythme parfois lent, des changements de ton surprenants - on passe du heavy metal au tango, d'une plume qui vole à un numéro de roue Cyr spectaculaire -, un décor minimaliste - en fait, pas de décors du tout, sauf les instruments déposés sur la scène, puisque tout le monde joue aussi de la musique -, Undermän est brillamment construit.

Bien sûr, on est impressionné par la force et l'agilité des trois circassiens qui peuvent autant faire tourner des poids au bout de leur bras que s'échanger les quilles dans un numéro de jonglerie exécuté avec une rapidité déconcertante. Mais c'est dans l'histoire qu'ils nous racontent - celle de ces trois porteurs devenus célibataires se cherchant une raison de continuer - qu'ils trouvent leur véritable force. La force d'être sincères et d'assumer leur dualité en exécutant plusieurs mouvements et gestes associés aux femmes, tout en restant virils jusqu'au bout des poils de leur barbe.

Lorsque, vers la fin, l'un d'eux reproduit à la perfection sa routine de porteur, mais sans celle qui partageait sa vie, tous ceux qui ont vécu une peine d'amour peuvent s'identifier à son manque. Et lors du dernier numéro, où les trois hommes se mettent à pirouetter, à grimper sur les épaules des autres, à se lancer dans le vide et à se faire rattraper avec quelque chose qui ressemble à de la grâce et de l'abandon, l'image - qui aurait pu être ridicule une heure plus tôt - s'imprime plutôt dans notre esprit comme un moment de solidarité et d'amitié. Brillant.

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Undermän, au National jusqu'au 14 juillet.