Les premières notes chantées du 36e Festival international de jazz de Montréal sont venues du cantaor Luis de la Carrasca, qui a circulé jeudi parmi les spectateurs de la Cinquième Salle en distribuant des bonbons.

Puis, le guitariste José Luis Dominguez est arrivé sur scène, bientôt suivi du percussionniste Kadu Gomez. Luis de la Carrasca chantait toujours, une complainte probablement, de laquelle nous n'avons saisi qu'un mot: lamento, je regrette, désolé...

Le rythme s'est accentué et Kuky Santiago a ajouté ses palmas, ses claquements de mains, à ceux du chanteur, et à ce moment, les spectateurs ont compris qu'ils assisteraient à une grande démonstration de polyrythmie flamenca.

Mais il manquait encore un élément: la danseuse Ana Pérez, qui, assise sur le bout de sa chaise dans sa robe bleu lavande, avait déjà sur elle toute l'attention avant d'avoir claqué ne serait-ce qu'une fois le plancher sonorisé.

Tranquillement, la bailaora de 23 ans a commencé la démonstration de cet art séculaire qu'il faut avoir étudié pour en comprendre la mécanique des progressions et la charge symbolique. Que contenait donc le bol qu'elle a tendu au cantaor?

Le profane, lui, ignore le nom des figures, mais il comprend le langage du corps, tout en appréciant la virtuosité de l'artiste - certainement dans la partie claquettes de son art - et, plus largement, la puissance de la frénésie rythmique qui marque la fin des différents segments des numéros.

Le spectacle de la troupe Flamenco Vivo s'intitule Lo Esencial - «L'Essentiel», présenté jusqu'à lundi prochain - et il porte bien son nom; avec seulement cinq artistes sur scène, on arrive à se concentrer sur chacun des éléments du flamenco: la musique, le chant, le rythme, la danse. Et quand l'essentiel est montré par un danseur de la trempe de Kuky Santiago, on arrive non pas dans le superflu, mais dans la plénitude artistique.

L'énergie au service de l'élégance, ici... Le petit bailaor a mis la foule à ses pieds jeudi soir, des pieds qui claquent le plancher à des vitesses renversantes. Et des mains qui, en plus des palmas, ajoutent au rythme en tapant les cuisses ou l'extérieur du talon. En plus d'être un danseur de haut niveau, Kuky Santiago s'avère aussi un formidable showman avec ce don de faire partager son plaisir. Pas de grimaces hautaines avec Kuky.

Luis de la Carrasca nous avait promis sincérité et authenticité. Lo Esencial offre beaucoup plus encore. Un grand spectacle essentiel.

À la Cinquième Salle de la Place des Arts, jusqu'au 29 juin, dans le cadre du FIJM.

Photo Denix Alix, fournie par Spectra

Le cantaor Luis de la Carrasca.