Il a inventé une guitare basse puis un ampli pour aller avec l'instrument qui l'a propulsé à l'avant-scène du jazz international. Dire qu'il est l'un des meilleurs de sa génération relève du cliché: Alain Caron compte parmi les plus prestigieux représentants de la musique québécoise.

Tu présentes au Festival le concert tiré du disque Septentrion, lancé il y a un an: pourquoi cette attente?

J'ai beaucoup voyagé au cours de la dernière année et je travaille aussi sur trois, quatre projets en même temps. Entre autres, j'ai un trio acoustique - avec Frank Gambale, guitariste australien, et le pianiste Ormaro Ruiz - avec lequel je joue de la basse acoustique à six cordes. Mon trio électrique, c'est avec Gambale et un jeune batteur français du nom de Damien Schmitt. Damien est aussi le batteur du band qui va jouer demain (ce soir) au Festival, avec Pierre Côté à la guitare et John Roney au piano.

Un batteur français qui fait carrière en Amérique, c'est quand même assez rare...

J'avais vu Damien à Los Angeles et il m'avait impressionné par sa modernité. Il connaît la tradition - il peut swingner comme Art Blakey - mais il a aussi une grande compréhension de la musique moderne et de sa technologie. Les ordinateurs apportent de la rigueur sur le plan rythmique mais ils sont souvent programmés par des gens qui ne jouent pas de drum... Damien, lui, est un être de chair avec qui on peut interagir.

Tu as beaucoup fait pour faire connaître et reconnaître la basse. Comment vois-tu le statut de l'instrument aujourd'hui?

La basse fait désormais partie de l'événement musical au même titre que les autres instruments. Son rôle premier reste le soutien rythmique et harmonique, mais des musiciens ont fait évoluer la technique et agrandi le rôle de l'instrument. À la contrebasse, je pense à Scott LaFaro et à Ray Brown; à la basse électrique, les deux plus grands ont été Jaco Pastorius et Stanley Clarke Clarke qui vient de recevoir le prix Miles-Davis. Lui, il a vraiment amené l'instrument à un autre niveau.

Un total de 20 disques, des participations à 25 autres, 22 apparitions au Festival de jazz de Montréal: voilà qui te met pas mal dans le groupe des vétérans. Comment te sens-tu avec les jeunes?

Très bien... J'ai 55 ans... non 56 et je suis en forme même si je n'ai plus la même énergie qu'avant. À 25 ou 30 ans, on a l'énergie vive à fleur de peau... Avec l'âge, j'ai tendance à aller moins vite, à jouer plus de ballades. Les jeunes comme Damien Schmitt - il est dans la vingtaine - me poussent et m'aident à garder le plaisir de jouer. Sinon c'est la fin...