C'est l'éditeur et auteur jeunesse Robert Soulières qui reçoit cette année le prix Fleury-Mesplet, une récompense remise par le Salon du livre à une personne ayant contribué au progrès de l'édition au Québec.

« Honnêtement, je n'étais pas prêt à le recevoir, dit celui qui a d'ailleurs siégé au jury du Fleury-Mesplet pendant plusieurs années. Je comprends ce qui a motivé cette décision, mais je trouve que c'est un peu tôt... »

Robert Soulières a été initié à l'édition par Pierre Tisseyre, avec qui il a travaillé comme directeur des éditions, puis vice-président, de 1987 à 1996. « C'est Pierre Tisseyre qui m'a appris le métier. Et son fils François aussi, qui est décédé prématurément dans un accident d'avion. »

Robert Soulières se rappelle avoir appris auprès de Pierre Tisseyre comment écrire des lettres de refus belles et élégantes. « J'avais 38 ans et j'écrivais des lettres de refus incendiaires ! Il me disait de ne pas tirer sur l'ambulance. Aujourd'hui, je suis reconnu pour écrire les plus belles lettres de refus. J'ai adoré travailler avec M. Tisseyre et s'il n'était pas mort, j'y serais encore. »

Sa propre maison d'édition

Parce que sa vision différait de celle des nouveaux administrateurs, il a décidé de partir pour fonder Soulières éditeur en 1996. « Je ne l'ai jamais regretté. Il y a toute une liberté là : la décision que tu prends, c'est toi qui la prends. Et si tu arrives dans le mur, tu vis avec. »

Soulières éditeur est volontairement demeuré une petite maison : deux employés, quelques pigistes auxquels il est resté fidèle depuis 20 ans. Même son imprimeur est toujours le même ! « Il y en a qui peuvent penser que c'est de l'inertie. Moi, je ne pense pas. »

C'est que Robert Soulières croit à la fidélité. Comme éditeur, il s'est aussi impliqué dans de nombreux CA et organismes, tels le Salon du livre de Montréal, l'Association des auteurs de la Montérégie ou à La fête du livre de Longueuil, où il est resté de 1997 à 2016.

« J'ai toujours trouvé important de m'impliquer, de ne pas rester dans mon coin. C'est peut-être un peu égoïste, mais ça me permettait aussi de rencontrer du monde au lieu de rester dans mon sous-sol. »

Son métier d'éditeur ne l'a pas empêché de publier lui-même des dizaines de livres : 60 albums, 19 romans pour ados et 20 nouvelles, précisément. Comment a-t-il fait ?

« La littérature jeunesse, c'est quand même plus court. Mais écrire court c'est difficile : dans un livre de 12 pages, chaque mot compte. C'est comme un défi. »

L'édition jeunesse se porte bien, estime-t-il. « Pas très bien, mais bien. » Il rappelle qu'à ses débuts dans les années 80, il y avait 30 productions par an, alors qu'aujourd'hui, on en compte 750... « C'est énorme. On pourrait même dire qu'il y a trop de livres. En même temps, c'est un heureux choix pour les lecteurs. »

Il est encore passionné par son boulot - « Je sais que passion, c'est un mot un peu édulcoré, mais c'est ça quand même » -, et s'il y a un concept qui résume sa vision du métier, c'est la continuité.

« Ma plus grande fierté, c'est d'avoir duré. Et d'avoir encore le goût de continuer ! Je me vois travailler jusqu'à 85 ans, dit l'éditeur de 67 ans. C'est juste qu'à mon âge, ça passe plus vite. »