(Paris) La mise sous séquestre d’un tableau de Pissarro spolié par les nazis, demandée par la fille de son ancien propriétaire pour éviter qu’il soit renvoyé à un musée américain, sera tranchée le 15 décembre par le juge des référés du tribunal de Paris.

La toile La bergère rentrant des moutons, peinte en 1886, est au centre d’une bataille judiciaire entre l’Université de l’Oklahoma, à laquelle elle avait été léguée par des collectionneurs, et Léone-Noëlle Meyer, 81 ans, fille adoptive de son ancien propriétaire, Raoul Meyer, spolié par les nazis en 1941.

Selon un accord conclu en 2016 avec la Fondation de l’Université de l’Oklahoma et dont elle a demandé l’annulation, le tableau doit repartir aux États-Unis en juillet 2021.

Il avait été expédié en Suisse à la fin de la Seconde Guerre mondiale, acquis par un marchand d’art puis par le couple de collectionneurs Aaron et Clara Weitzenhoffer, et légué en 2000 à l’Université de l’Oklahoma, pour le musée Fred P. Jones qui lui est rattaché.

Mme Meyer avait retrouvé la trace du tableau au début des années 2010, et engagé une action en restitution devant la justice américaine.

L’accord, signé en février 2016 à l’issue de négociations, prévoyait que le titre de propriété soit transféré à Mme Meyer et que, après 5 ans d’exposition en France, une rotation soit assurée tous les trois ans entre la France et les États-Unis.

Mme Meyer devait aussi faire don du tableau de son vivant à une institution artistique en France, agréée par le musée américain. Or, le musée d’Orsay, qui expose actuellement la toile, a refusé cette donation, estimant que la rotation était trop contraignante.

La toile « ne va pas être mise dans le salon de Mme Meyer », a plaidé Jacques Fourvel, son avocat, soulignant « la bonne volonté » de sa cliente.

« On demande au juge des référés de mettre à mal » le retour du tableau, « seule contrepartie » acquise par le musée, a regretté Olivier de Baecque, avocat de la Fondation de l’Université d’Oklahoma.

Une cour américaine a ordonné le 20 novembre à Mme Meyer de se désister de la procédure engagée en France, car elle serait en violation du contrat américain, décision dont elle a fait appel.

La demande de restitution « pleine et entière » de l’œuvre formulée par Mme Meyer, en vertu de l’ordonnance du 21 avril 1945 sur les biens spoliés, sera examinée par le tribunal le 19 janvier.

En parallèle, la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) va entreprendre des recherches sur la provenance de certaines des œuvres léguées par les Weitzenhoffer au Musée Fred P. Jones, suite au signalement d’un avocat de Mme Meyer.