Pour célébrer les 150 ans du Canada, le Centre canadien d'architecture (CCA) se fait objecteur de conscience. Son équipe a préparé une exhaustive contre-histoire environnementale du Canada moderne, pays bipolaire s'il en est.

Le Canada, ce sont des forêts à perte de vue, des lacs et rivières à ne plus les compter, de l'air pur et de la neige pour le monde entier.

Mais, même s'il est bien classé en matière de préservation de la santé humaine, le Canada, à cause de l'exploitation massive de ses ressources naturelles, porte aussi un bonnet d'âne si on tient compte de la protection de la nature.

«Au Canada, il existe cet immense contraste entre une image naturelle symbolique de l'environnement et la réalité de son exploitation massive. Entre les paysages idylliques et la surexploitation des ressources naturelles», estime Mirko Zardini, directeur du CCA et commissaire de l'exposition Le temps presse.

Le problème, selon lui, est que la culture canadienne est basée sur la perception de l'environnement comme une ressource et rien d'autre. Le CCA documente donc ici les pires désastres naturels - Resolute Bay, Port Hope, Walkerton, Elliot Lake, Sudbury, Chalk River, Athabasca, Lac-Mégantic entre autres - de notre histoire moderne.

À l'aide de dizaines de photos, vidéos, cartes et documents de toutes sortes, en plus de quatre oeuvres de l'artiste canadien Douglas Coupland, dont un pylône électrique écrasé au sol rappelant notre crise du verglas, Le temps presse ratisse large et se veut un argument pertinent à propos de l'urgence d'agir. 

«Je crois que le Canada est dans une position extrêmement privilégiée et qu'iI possède, par contre, une responsabilité morale et politique face au reste du monde, dit M. Zardini. Le Canada doit montrer le chemin, donner des signes quant aux nouvelles façons de traiter les problèmes environnementaux. Le pays pourrait être un leader mondial en ce domaine.»

Exploiter ou protéger? 

Exploiter ou protéger? Telle est la question. Les manifestations et les contestations ne sauront répondre à tous les problèmes, ajoute-t-il. Les pouvoirs politiques au plus haut niveau devront s'impliquer.

«Comme le dit David Suzuki, on a gagné des batailles locales, on a empêché la construction de barrages, de pipelines et de centrales. Désormais, on a besoin d'une approche plus stratégique, une vision commune pour changer les choses. On a besoin d'un État fort pour protéger l'environnement.» 

Le gouvernement canadien a appuyé récemment la construction de nouveaux pipelines. L'exposition du CCA en démontre pourtant les dangers très réels. 

«Si le gouvernement canadien voulait respecter l'Accord de Paris sur le climat, il pourrait simplement abandonner l'exploitation des sables bitumineux», rappelle le directeur du CCA. 

«Nous présentons aussi des projets alternatifs dans l'exposition qui démontrent qu'il est possible de faire quelque chose pour changer nos habitudes vie et de consommation.»

«Le Canada a aussi une longue histoire avec l'énergie nucléaire, ajoute-t-il. C'est à Chalk River qu'a eu lieu le tout premier accident nucléaire d'importance au monde en 1952. Le village où vivaient les travailleurs était considéré comme idyllique à l'époque. C'était lié à cette idée de la technologie qui résout tous les problèmes.»

Solutions

L'exposition du CCA décrit l'ampleur de la tâche qui attend le Canada. 

«Les solutions ne viendront pas que des architectes, des urbanistes ou des écologistes. Les solutions seront le fait de nouveaux modes de vie et de nouvelles valeurs. L'exposition tente de construire un nouveau récit pour favoriser cette nouvelle culture qui est nécessaire aujourd'hui.»

«Un sondage récent, poursuit Mirko Zardini, disait que 80 % des répondants voyaient l'environnement comme un élément plus important que l'économie, alors qu'est-ce qu'on attend? Comment est-il possible que de tels désastres surviennent dans un pays où la population tient autant à l'environnement?»

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L'exposition Le temps presse. Une contre-histoire environnementale du Canada moderne est présentée au CCA jusqu'au 9 avril.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Le directeur du Centre canadien d'architecture, Mirko Zardini, est le commissaire de la nouvelle exposition Le temps presse.