Le musée des tissus et arts décoratifs de Lyon, qui renferme la plus belle collection textile au monde, vit peut-être ses dernières heures, personne ne s'étant engagé à le reprendre à la Chambre de commerce et d'industrie qui ne veut plus le financer.

Situé dans un hôtel particulier en plein coeur de la presqu'île, ce lieu retrace 4500 ans d'histoire, de la tunique en lin de 2150 avant Jésus-Christ aux derniers tissus composites utilisés dans l'aéronautique.

Le visiteur vogue parmi les fleurs et plumes de paon qui ornaient les meubles de la chambre de Marie-Antoinette, des robes Empire en toile de soie magnifiquement brodées, et en ressort l'esprit adouci de satin, organza et crêpe de Chine.

Cette institution est intrinsèquement liée à l'histoire de la ville. Ce sont les soyeux qui l'ont créée au milieu du XIXe siècle face à la concurrence de l'époque (russe, britannique ou turque). Leur idée: constituer la plus grande collection de textiles afin de bénéficier sur place d'une source d'inspiration inépuisable. Leur but: stimuler la création pour assoir leur réputation lors des premières expositions universelles de l'histoire.

Héritage de cette époque et exception culturelle en France, ce sont toujours les entrepreneurs de la région qui gèrent l'institution, en l'occurrence la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Lyon. Mais dans un contexte de disette budgétaire, celle-ci ne veut plus endosser ce rôle: sur un budget de fonctionnement de 2,5 millions d'euros, il reste 1,7 million à sa charge, après recettes de billetterie.

«L'État ne peut pas nous dire: «Je vous réduis de 40% vos recettes fiscales sur trois ans, je vous prends vos réserves (15 millions) et vous continuez à vous occuper de ce musée». Je dis niet!», justifie auprès de l'AFP Emmanuel Imberton, président de la CCI.

Le préfet du Rhône a mobilisé l'État et les différentes collectivités. La piste du Louvre a même été envisagée. Mais pour l'heure, rien de concret alors que l'échéance du 14 mars approche: en ce jour de vote du budget à la chambre consulaire, les élus décideront vraisemblablement d'arrêter les frais.

«Touche pas à mon musée»

«La fermeture de ce musée, c'est plus qu'un sacrilège, c'est détruire un lieu de mémoire», estime Daniel H. Fruman, collectionneur de textiles, à l'initiative d'une pétition qui a déjà obtenu près de 95 000 signatures, dont près de 9000 viennent de l'étranger.

Même le directeur du vénérable Metropolitan Museum of Art à New York, Thomas P. Campbell, a pris le temps de signer le document.

Les descendants des donateurs et fondateurs du lieu ont, eux, créé l'association Touche pas à mon musée. Une mobilisation qui a suscité un regain d'intérêt pour l'institution qui a vu son affluence augmenter ces dernières semaines.

Mais pour l'instant, seule la région Auvergne-Rhône-Alpes est «prête à accompagner financièrement tout projet permettant de le sauver», assure à l'AFP son nouveau président, Laurent Wauquiez, sans pour autant être chef de file d'un sauvetage.

Une position qui pourrait redorer un peu son image dans le monde lyonnais de la culture. Car il en avait fait tousser plus d'un dans la capitale de Guignol en annonçant, lors de la campagne des régionales, qu'il ne financerait plus la formation de marionnettiste, la jugeant «fantaisiste».

La mairie de Lyon, très prise par le budget colossal du musée des Confluences (19 millions d'euros), est aux abonnés absents. «À ce stade, ni la Ville de Lyon ni la Métropole ne s'engageront financièrement», indique-t-on.

Et au cabinet de la nouvelle ministre de la Culture, Audrey Azoulay, personne n'est en mesure de s'avancer sur le dossier.

La CCI et les professionnels du textile sont prêts de leur côté à financer exceptionnellement une nécessaire modernisation du musée, estimée à 15 millions, mais ne veulent plus de cette charge annuelle.

Tous devraient se retrouver le 8 mars pour une réunion de la dernière chance. D'ici là, la préfecture insiste: même si une solution n'est pas trouvée dans les quinze jours, la CCI a l'obligation d'entretenir la collection le temps qu'un nouveau propriétaire soit trouvé, conséquence de son label «Musée de France».