Tammi Campbell est une artiste discrète. La bravade n'est pas sa tasse de thé. Ni les activités publiques, dont elle se passerait volontiers. En fait, elle trouve sa passion dans le travail, un travail de moine qui aboutit à des oeuvres exceptionnelles.

Son art en impose et pas qu'un peu près. Ses tableaux en trompe-l'oeil font déjà partie de grandes collections, les experts d'un océan à l'autre ayant vite compris qu'on tenait là un oiseau rare et précieux.

Hugues Charbonneau expose en ce moment une dizaine de ses dernières créations. Des toiles de lin sur lesquelles il n'y a «que de l'acrylique». Et pourtant, on jurerait y voir du carton et du papier bulle! Un travail de grande précision, évidemment, pour créer l'illusion.

«Ce corpus questionne notre rapport romantique au "faire" de l'artiste, la dimension cachée de la manutention des oeuvres, toute la tradition minimaliste... mais surtout le fétichisme de l'objet qu'est la toile», dit le galeriste Hugues Charbonneau.

«Tammi est la grande découverte canadienne des dernières années. Les musées, les critiques d'art comme les collectionneurs de tout le pays sont subjugués par son intelligence, son humour et son savoir-faire.»

Artistiquement proche des minimalistes Frank Stella, Sol LeWitt et Agnès Martin, Tammi Campbell a déjà poussé l'admiration jusqu'à écrire tous les jours pendant quatre ans une lettre à Agnès Martin. Une lettre bien particulière puisque composée de lignes horizontales et verticales. Un acte de compréhension qui rappelait bien sûr les grilles carrées de l'artiste canado-américaine morte en 2004.

Un certain regard sur l'art

On éprouve donc bien du plaisir à explorer chacune des toiles de Tammi Campbell, une expression conceptuelle qui nous réconcilie avec un certain regard sur l'art. Une réflexion sur le travail de l'artiste, sur son attitude durant le processus créatif et évidemment sur les liens entre figuration et art abstrait. Car ces toiles où l'on croit voir du papier collant ou du papier bulle reflètent autant la fragilité de la matière que sa capacité d'exprimer la solidité.

Pour arriver à un tel résultat, Tammi Campbell a dû inventer une technique et transformer son atelier en un véritable laboratoire pour parvenir à donner une forme à la peinture acrylique. Car ce sont des formes que l'on voit sur ses toiles. Des bulles, des déchirures, de fausses réparations d'un faux papier déchiré, des microsculptures pour donner l'apparence ici d'une épaisseur, là d'une texture particulière. Dans Monochrome with poly and tan packing tape, elle écrit même une fausse marque de plastique pour que la confusion soit à son comble!

L'art de Campbell est aussi éloquent qu'il est humoristique, voire moqueur. Toute une exposition à ne pas manquer... 

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À la galerie Hugues Charbonneau (372, rue Sainte-Catherine Ouest, bureau 308), jusqu'au 23 décembre.