C'est l'un des événements muséaux de l'année à Montréal. Dans le cadre du programme de résidence d'artiste du musée McCord, l'artiste torontois d'origine crie Kent Monkman rend hommage à notre métropole et à la peinture française avec son exposition Bienvenue à l'atelier, présentée jusqu'au 1er juin. Son installation comprend un immense tableau inspiré du photographe montréalais William Notman et du peintre français Gustave Courbet.

Passionné d'histoire, Kent Monkman a choisi, pour sa résidence d'artiste à McCord, de s'inspirer des photos de William Notman (1826-1891) qui font partie des archives du musée. Son idée était de mettre en scène ces prises de vues dans le cadre d'une étude sur les liens entre photographie et peinture.

«La salle de l'expo est à l'origine de l'idée, dit l'artiste de 38 ans en entrevue. Les murs noirs et les vitrines donnent l'impression qu'on est à l'intérieur d'une caméra. J'ai voulu jouer avec cet environnement réfléchissant.»

Les photos choisies sont des portraits de Montréalais pris par Notman en studio. Des gens de la haute société du XIXe siècle qui se déguisaient en Amérindiens pour le bal du château Ramezay. Des Amérindiens célèbres de passage, comme Sitting Bull en 1885. Des lutteurs, des boxeurs, un portrait de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, ou encore celui du jeune et athlétique Percival Molson, mort en France durant la Première Guerre mondiale.

Plusieurs des photos font écho à l'univers pictural de Monkman. «J'étais étonné et surpris de voir que ces images avaient, comme mes tableaux, une mise en scène avec une peinture en toile de fond par exemple, dit-il. On est au XIXe siècle dans une période où la photo et la peinture sont sur un pied d'égalité. Le peintre est portraitiste et la fonction du peintre a changé dès que la photo est apparue. Elle a changé la fonction de la peinture.»

Inspiré par Courbet

Kent Monkman a passé en revue les peintres du XIXe siècle qui ont vécu cette transition. Il a songé notamment au Français Gustave Courbet (1819-1877) qui a utilisé la photo comme source d'informations. Il a donc décidé de créer un immense tableau (7,3 m de long sur 1,8 m de haut), Bienvenue à l'atelier: une allégorie de la réflexion artistique et de la transformation, qui reprend la scénographie du tableau de Courbet L'atelier du peintre. Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale, mais aussi celle du studio de Notman.

Le tableau inséré dans une vitrine comprend, au centre, Kent Monkman lui-même en train de peindre une représentation dénudée de Percival Molson. Monkman raconte qu'il s'est rendu compte que la pose de Molson ressemble beaucoup à celle du guerrier de la peinture Léonidas aux Thermopyles de Jacques-Louis David (1748-1825). Du coup, il a peint le jeune Montréalais en gladiateur, comme un peintre utilise une photo en la remaniant.

Dans la partie gauche du tableau, il a reproduit les Montréalais déguisés en Indiens et en coureurs des bois. À droite, il y a de «vrais» Amérindiens. Deux sont munis d'un pinceau et d'un appareil photo et symbolisent une lutte entre la photo et la peinture.

On retrouve aussi des personnages de Notman comme les lutteurs et l'équilibriste. Mais pas de Chief Eagle Testicle, le personnage itératif de Monkman, dans le tableau. «Il essaie d'être partout, mais je ne le laisse pas prendre le dessus!», dit Monkman en riant.

Recherchant toujours une touche humoristique, l'artiste a placé face à son tableau un tabouret sur lequel le visiteur peut s'asseoir et découvrir, sur la vitrine, le reflet de son visage en lieu et place de la tête de Kent Monkman dans le tableau! «Avec votre cellulaire, vous pouvez prendre une photo de votre propre reflet, dit-il. C'est un jeu d'aller-retour entre la peinture et la photo. Aujourd'hui, tout le monde est photographe et bien peu sont peintres.»

Cet immense tableau qui dépeint Montréal à un moment précis de son histoire est un hommage à la métropole. «La ville a été très généreuse avec moi, dit-il. La communauté artistique m'a beaucoup soutenu. J'ai une relation forte avec le Musée des beaux-arts, McCord et le Musée d'art contemporain. C'est mon hommage personnel à une grande cité.» Ce tableau pourrait rester à Montréal si un donateur se manifeste en l'achetant... puis l'offre ensuite au musée.

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Au musée McCord jusqu'au 1er juin.