En 1911, année où l'édifice Bluementhal s'est ouvert, la cantatrice Emma Albani, première superstar québécoise, faisait ses adieux à la scène à Londres et le pianiste Jean-Baptiste Lafrenière était l'un des rares musiciens d'ici à jouer du ragtime, un style qui faisait rage aux États-Unis.

Cent ans plus tard, la rue Sainte-Catherine reprend enfin ses allures au centre du Quartier des spectacles et le Bluementhal complète sa conversion en tant que Maison du festival, inaugurée en 2009 à l'occasion du 30e anniversaire du Festival international de jazz de Montréal. Depuis, le public avait accès à deux lieux de qualité: le bistro Balmoral et la salle de spectacles l'Astral, du nom du géant des communications.

Aujourd'hui, la Maison du festival RioTintoAlcan ouvre un nouvel espace au public: l'Expo des légendes Bell, qui compense en force d'évocation sa relative exiguïté. Ici, une perruque portée par Ella Fitzgerald et un chapeau de Leonard Cohen, là le veston de Johnny Clegg et le «Lifetime Achievement Award» remporté par Dave Brubeck aux Grammies en 1996.

Instruments, disques, partitions... «L'exposition a été conçue par gsmprjct°, mais j'en avais fait un projet personnel», nous dira l'infatigable Alain Simard, président-fondateur du FIJM, en nous montrant le premier «gros» contrat qu'il a signé en cette qualité. Pour son concert du mercredi 2 juillet 1980, Ray Charles a touché 15 000$ pour sa performance, plus 20 000$ pour l'enregistrement vidéo. Pas mal d'argent, oui, se souvient Alain Simard, «mais on avait amené 4000 personnes à la place des Nations...»

Une vidéo nous fait revivre le premier grand spectacle extérieur du FIJM, celui de Pat Metheny sur McGill College en 1989, mais la pièce la plus imposante, et à sa juste place dans un musée, est un vieux piano ayant appartenu à Daisy Peterson. Professeur de musique, Mme Peterson Sweeney a fait faire ses premières gammes (classiques) à son «petit» frère Oscar et, plus tard, à l'un de ses amis de la Petite-Bourgogne du nom d'Oliver Jones, un autre beau talent de chez nous.

Oeuvres inédites

Le musée - il manque la contrebasse de Michel Donato... - débouche sur la Galerie Lounge TD, commanditaire principal du FIJM. L'exposition d'Armand Vaillancourt y est présentée jusqu'au 25 septembre, après quoi les visiteurs pourront admirer une vingtaine d'oeuvres jamais exposées de Jean-Paul Riopelle (1923-2002), dont le Big Bang, Big Band fait déjà partie de la collection permanente du Festival avec des oeuvres signées Miles Davis, Alfred Pellan, Diane Dufresne et Frédéric Back.

En musique, puisque tout part de là, la nouveauté de la Maison se situe au rez-de-chaussée, où le bistro Balmoral, maintenant doté d'un permis de bar de la SAQ, se transforme ce soir même en club de jazz. Le contrebassiste Jean Félix Mailloux (Bomata) et le pianiste Jérôme Beaulieu inaugurent ce premier week-end jazz, qui se poursuivra demain à 21h avec le pianiste Jon Roney.

«Pour commencer, explique André Ménard, cofondateur et directeur artistique du FIJM, nous avons choisi la formule thématique comme finale à ce one-stop qu'est maintenant la Maison du festival. Les gens peuvent visiter le musée puis la galerie d'art avant de monter à la Médiathèque Jazz/La Presse pour regarder des vidéos de concert ou feuilleter des revues de jazz. Ensuite, ils peuvent manger au Balmoral, voir un show à l'Astral et revenir finir la soirée au Balmoral en écoutant la crème des musiciens locaux en petites formations.»

À venir, toujours gratuitement et avec des musiciens différents chaque soir: des week-ends manouche, blues et brésilien (voir le programme sur www.montrealjazzfest.com). Pour André Ménard, ce roulement thématique est une façon d'attirer les Montréalais qui ne connaissent que de nom la Maison et le Balmoral et sa magnifique terrasse donnant sur la place des Festivals. Et bientôt sur la «Sainte-Cat» rénovée où, certains soirs, on peut encore entendre les accords du ragtime et le bruit des tramways...