Quelque 1400 privilégiés assisteront du 4 au 7 mai à une performance contemporaine, visuelle et lyrique, Conte crépusculaire, présentée à guichets fermés à la Galerie de l'UQAM. Fusionnant l'univers du sculpteur David Altmejd et celui de l'auteur-compositeur-interprète Pierre Lapointe, le conte évoluera chaque jour, au gré des improvisations des deux artistes qui se sont notamment associés au compositeur Yannick Plamondon et au Quatuor Molinari.

Jeunes créateurs marqués du sceau de l'originalité, Pierre Lapointe et David Altmejd sont animés de la même passion: avancer vers l'inconnu en ne conjuguant leur verbe qu'à l'imaginatif.

Ces jours-ci, ils sont en train de broder sans fil conducteur prédéterminé une histoire vaporeuse de roi qui va mourir avant d'avoir 30 ans. Pierre Lapointe, qui fêtera ses 30 ans le 23 mai, joue le roi. Il sera accompagné sur scène de Sacha Jean-Claude, un jeune interprète des Petits chanteurs du Mont-Royal, qui jouera le Prince, et de la chanteuse classique Émilie Laforest qui sera la Reine mère. Mais si vous vouliez aller voir ce spectacle, oubliez ça. À moins qu'il y ait des scalpers à l'entrée de la Galerie de l'UQAM! Tous les billets sont partis en quelques jours.

Quand La Presse a rencontré Pierre Lapointe et David Altmejd à l'UQAM, cette semaine, les deux artistes étaient sereins, nullement inquiets de s'être embarqués dans cette aventure où l'improvisation tient une grande place. «Ce n'est pas un projet hippie mais il y a une volonté de ramener ça à un projet collectif nouveau genre, comme à cette époque-là, mais sans le pot ni le LSD!» dit Pierre Lapointe.

Depuis 10 jours, David Altmejd, réputé plasticien sur la scène internationale, prépare «l'espace physique de la scène». Il a apporté «de la matière», des objets qu'il va assembler avant et pendant le spectacle. Mais à proprement parler, il n'y a pas de décor dans Conte crépusculaire.

«Ça reste sculptural, dit-il. On ne construit pas autour de la musique.» «On ne voulait pas que ce soit hyper campé ni conventionnel, ajoute Pierre Lapointe. On veut que ce soit profondément original, pas seulement dans la musique, les couleurs ou la structure mais dans tout le processus. C'est très casse-gueule!»

La musique du spectacle est prête. Pierre Lapointe a travaillé avec le compositeur contemporain Yannick Plamondon, un autodidacte qui partage l'ouverture de Lapointe et Altmejd pour les collaborations interdisciplinaires.

«Yannick a eu beaucoup de place dans les arrangements, dit Pierre Lapointe. Ça ressemble à du Yannick Plamondon et à du Pierre Lapointe, et en fait pas vraiment! Ça a une identité forte. On a fait la musique pour la première fois il y a un mois et après, on bâtit ça samedi, dimanche, lundi et mardi. Le sonorisateur n'arrive que mardi.» La veille de la première.

Conte crépusculaire se transformera donc chaque soir. «Le paysage va changer, dit Pierre Lapointe. On veut quelque chose de vivant. David va être physiquement sur scène.» «Je vais transporter des choses, tirer des fils, c'est une vraie performance», ajoute David Altmejd.

Martin Labrecque sera responsable des éclairages tandis que le musicien Philippe Brault et le Quatuor Molinari «devraient être statiques» sur scène. Mais tout le reste risque de bouger! Les installations d'Altmejd s'ajouteront au fur et à mesure des représentations, ce qui remplira la scène.

«Il est possible qu'à la fin, il y ait tellement d'éléments que ce soit plus statique, dit Pierre Lapointe. Mais ça sera comme ça sera. C'est l'esprit de Conte crépusculaire.»

David Altmejd est enchanté de prendre part à cette expérience. «C'est très excitant, dit-il. Je vais apprendre beaucoup. Ça va être un laboratoire pour moi, avec du son, des gens et des matières.»

«On va quand même essayer d'avoir du sens, poursuit Pierre Lapointe. Mais les gens doivent arriver avec une ouverture d'esprit, car on n'aura pas la précision d'un opéra ou d'une scénographie.»

«Moi, quand c'est trop raffiné ou préparé à l'avance, ça a déjà quelque chose de mort, dit David Altmejd. J'aime l'urgence, car c'est ainsi que les idées sont les plus vivantes.»

Court

Normalement, le spectacle durera 40 minutes. Les deux artistes ne veulent pas que ça dure trop longtemps. «Dans ce genre d'expression, il vaut mieux laisser les gens sur leur faim, dit Pierre Lapointe. Les spectateurs seront quand même debout. Ce serait irrespectueux que ça dure deux heures.»

Pour ceux qui ne pourront assister à Conte crépusculaire, une vidéo sera tournée par Pascal Grandmaison, maître des mises en situation d'images. «Il voulait créer un documentaire mais Radio-Canada trouvait ça très étrange, dit Pierre Lapointe. Je trouve ça très décevant de la part d'une télé d'État. Et puis Télé-Québec avait eu des coupes... Donc Pascal va faire un film d'art là-dessus. Il va utiliser ce qu'on offre comme prétexte pour créer une autre oeuvre, un satellite utilisé comme artefact.»

Pierre Lapointe ne sait pas si un CD découlera de cette expérience. La seule chose certaine, c'est que l'installation scénique qui naîtra de l'esprit de David Altmejd demeurera sur place du 11 mai au 11 juin.

La galerie ajoutera Loup-Garou 1, une oeuvre créée en 1997 par Altmejd qu'elle a achetée récemment. Le vernissage aura lieu le 10 mai à 17h30 en présence des artistes. Et là, il n'y aura pas de billet à acheter.

Conte crépusculaire, de Pierre Lapointe et David Altmejd, du 4 au 7 mai, à la Galerie de l'UQAM. À guichets fermés.