Une dizaine de conférenciers internationaux exposeront aujourd'hui à Montréal les nouveaux enjeux de l'art public. Le colloque est organisé dans le cadre du 25e anniversaire du Bureau d'art public.

L'art public a besoin d'une volonté politique claire et forte. Responsable de dizaines de projets d'art public majeurs en France et en Europe, Jean-Dominique Secondi estime que le secteur privé ne peut pas compenser un manque de leadership des élus locaux dans ce domaine.

«Depuis des années, j'ai constaté dans ma pratique que s'ils ne sont pas portés par le politique, les projets d'art public ne sont pas possibles. Les projets doivent se rapprocher des gens sans toutefois affecter la qualité des oeuvres. Il est possible de relier l'art à la vraie vie», a-t-il dit en entrevue à La Presse.

Ce grand spécialiste de l'art public contemporain cite en exemple les villes de Lyon et de Nice qui ont pris les grand moyens pour requalifier certains secteurs de leur ville en utilisant l'art public.

«Le maire de Nice m'avait dit qu'il ne connaissait rien à l'art, mais il savait que c'est ce dont sa ville avait besoin. À Lyon, nous venons de compléter 15 kilomètres d'un circuit qui en comprendra 50 sur les berges de la Saône avec 13 artistes qui ont créé des oeuvres s'intégrant au projet global qui est de permettre aux Lyonnais de se réapproprier les bords de rivière.» Dans ce cas précis, le privé a contribué en fabriquant des oeuvres qui représentaient des défis techniques importants, ce qui a fait progresser le secteur de recherche et développement de l'entreprise. À Bordeaux, même combat. L'entreprise qui a fabriqué le bois utilisé pour une oeuvre estime avoir sauvé dix ans en R & D avec un projet également piloté par M. Secondi.

«Les privés ne veulent pas simplement financer, ils veulent participer. Il y a mille façons de faire de l'art public aujourd'hui. Il y a les nouvelles technologies; on peut avoir recours à des oeuvres éphémères plutôt qu'éternelles; on peut demander aux artistes d'agir en tant que citoyens et aux entreprises aussi.» Il y a cinq ans à Paris, le producteur a fait venir le sculpteur montréalais Michel de Broin. Le Québécois a installé une immense boule disco dans le ciel de la capitale française. Le projet a pu être réalisé après de longues négociations, mais l'important, selon M. Secondi, c'est qu'il respectait l'environnement immédiat... et la sacro-sainte tour Eiffel!

Récemment à Montréal, le maire Denis Coderre a dit qu'il avait fait appel aux mécènes et aux pays présents lors de l'Expo 67 pour contribuer à l'agrandissement du parc d'oeuvres d'art public montréalais. Jean-Dominique Secondi estime plutôt que c'est le territoire et la population qui sont incontournables dans le processus de sélection des projets.

«À Lyon, note-t-il, nous avons commencé à informer la population deux ans à l'avance. Il ne faut jamais imposer des oeuvres dont les gens ne veulent pas. Lors de l'inauguration, nous avons organisé une grande fête populaire. L'important est de faire comprendre que nous procédons à la valorisation de l'espace public et que l'art s'adresse à tous, non pas qu'à quelques initiés.» Jean-Dominique Secondi n'en est pas à sa première visite ici. Il se dit émerveillé par ce qui passe en ce moment à la TOHU dans l'ancienne carrière Miron, par l'idée des quartiers culturels et le laboratoire numérique du Quartier des spectacles.

Il conclut en se disant d'accord avec la responsable de la culture à la ville, Manon Gauthier, qui soutient que «l'art public n'est pas que pour les touristes, c'est d'abord et avant tout pour les citoyens».

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Le colloque L'art public: nouveaux territoire, nouveaux enjeux a lieu aujourd'hui à la salle Marie-Gérin-Lajoie de l'UQAM.