On a dit que la chanson était devenue le porte-flambeau de la poésie. Ce n'est plus tout à fait vrai. De nos jours, c'est le slam qui fait revivre la poésie. Au grand bonheur du slameur Ivy, l'un des invités du Festival international de littérature.

«Mets trois slammeurs dans un centre commercial, le monde va arrêter. Mets trois poètes, le monde va fuir.» La formule, lapidaire, est de Ivy. Il est slammeur, bien sûr, mais il ne cherche pas à recaler les poètes. Seulement à faire valoir que son art est plus convivial, plus soucieux d'intéresser l'autre et de faire rayonner la poésie sur la place publique que celui des poètes «de l'écrit» qui se soumettent à l'exercice de la lecture publique.

«Voir du monde triper sur la poésie, c'est mon rêve depuis que j'ai quitté l'université», dit-il. Ivy s'y est attelé de toutes sortes de manières. Il a écrit un recueil qu'il a soumis aux éditeurs... pour se faire dire que des choses comme la poésie «ne rime plus» de nos jours ou «le calembour est la fiente de l'esprit». Il a écrit des chansons «folk trash» parfois jugées trop verbeuses et auxquelles on reprochait l'absence de refrain.

Il a persisté, envers et contre tous, il a poursuivi son «rêve de rock star d'adolescent», jusqu'à ce qu'il soit forcé de se demander s'il valait la peine de se «battre contre des moulins à vent». Deux mois après avoir amorcé une sérieuse remise en question, il a découvert le slam. «Là, j'ai flashé: on n'a pas besoin de musique pour faire passer des mots. Soudainement, tous mes défauts, selon le monde de la chanson, sont devenus mes forces.»

Dans le slam, les jeux de mots porteurs de sens, la rime, les phrases généreuses, les charges littéraires ne sont pas des vices de forme, ils sont désirés. Appréciés. «J'aime vraiment le slam. Voir des jeunes le découvrir quand je donne des ateliers, voir l'air éberlué des gens quand je fais des slams sauvages, dans les lieux publics», dit-il. On n'en doute pas une seconde tant son ton est passionné.

Du slam au FIL

Motivé par l'idée de transporter la poésie sur la place publique, Ivy a accepté de participer à deux événements dans le cadre du Festival international de littérature: le Grand Slam et le Cabaret des mots qui sonnent. Le slam, dans sa forme «pure», est une joute verbale au cours de laquelle des équipes de poètes de l'oralité se succèdent sur scène dans l'espoir de s'attirer les votes des juges, c'est-à-dire le public.

Le Grand Slam, c'est donc la finale de la Coupe Stanley de la Ligue québécoise de slam, fondée il y a deux ans par Ivy. Des équipes de quatre slammeurs de Montréal, Québec, Sherbrooke et Gatineau se mesureront les unes aux autres lors de deux soirées présentées au Lion d'or, les 21 et 23 septembre. Montréal a tenu sa propre finale lundi dernier. «On était sold-out, c'est ça le miracle du slam», fait valoir Ivy.

La mise en valeur de la parole se trouve aussi au coeur du Cabaret des mots qui sonnent, mais sans l'esprit de compétition. Ivy en sera, tout comme le rappeur algonquin Samian, le poète iranien Hossein Sharang, la chanteuse Karen Young et le poète Raôul Duguay. Une soirée multilingue et multiculturelle, animée par le Micmac Bob Bourdon. «On peut dire que ce sont des gens qui viennent faire des extraits de leur oeuvre, mais revues et organisées par un directeur artistique qui à l'oeil», précise le slammeur, lui-même auteur d'un album remarqué intitulé Slamérica.

«C'est la première fois que je participe à un spectacle qui a une direction aussi claire et sensible», renchérit-il, louant le travail du metteur en scène Pierre Cépô. «Ce que je trouve le plus trippant, c'est que ce ne sera pas des poètes qui lisent leurs textes sur le sempiternel accompagnement musical improvisé. Là, les tounes sont montées. Tout ça est bien ficelé.»

Cabaret des mots qui sonnent, le 19 septembre au Lion d'or. Grand Slam, les 21 et 23 septembre au Lion d'or.